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faire illusion, si on les examine isolément ; malheureusement M. Koekoek ignore cet art de subordonner tous les détails à l’harmonie de l’ensemble que Van der Heyden et Wynants possédaient à un si haut degré. Aussi ses toiles si précieuses ont-elles un aspect de crudité déplaisante. M. Brias et M. Van Schendel de Rotterdam imitent, l’un Gérard Dow, l’autre Schalken, mais en exagérant leurs défauts. Ces artistes peignaient à la loupe, ils peignent, eux, au microscope, ne s’occupant, comme M. Koekoek, que du détail, sans souci du jet et de l’inspiration. Ce que nous pourrions ajouter est bien triste. De même que les petits maîtres flamands de la bonne époque s’étaient attachés la plupart à la reproduction unique des mêmes scènes et des mêmes effets, plusieurs des peintres flamands d’aujourd’hui se sont formé comme une sorte de spécialité de l’imitation plus ou moins rigoureuse d’un de ces peintres d’autrefois. Chacun s’attache à son modèle avec une désespérante fidélité. M. Donny de Bruges refait les clairs de lune de Van der Neer, MM. Schotel les marines de Backuysen, M. Shelfout celles de Van den Velde. M. Verschuur d’Amsterdam nous donne de nouvelles éditions de Wouvermans, M. Dykmans des calques de Metzu ; M. Madou copie Téniers ; M. Leys, Jean Steen ; M. Van Dael, Véeninx et Van Huysum. Bien d’autres encore, car ces artistes de seconde main sont nombreux, se résignent à doubler non-seulement les artistes supérieurs, mais des peintres d’un talent secondaire. On comprend tout ce qu’un pareil système a de funeste et de dégradant. Le peintre n’est plus qu’un copiste patient qui substitue la fidélité à l’invention, le parti pris au naturel ; l’art se transforme en un métier vulgaire, car l’art ne peut exister sans inspiration et sans originalité.

On a peine à s’expliquer que, jusqu’à nos jours, une école si féconde, et que des talens si nombreux et si variés ont illustrée, soit restée sans historien. Les écrivains nationaux, tels que Karel Van Mander, Arnold Houbraken, Lucas de Heere, Sandraert et autres, n’ont embrassé chacun qu’une époque fort limitée, ou ne se sont occupés que d’une branche de l’art, de l’exposition de moyens techniques et du classement de détails biographiques. Aucun d’eux n’a tenté un travail d’ensemble, une appréciation complète et raisonnée des grandes révolutions de l’art dans les Flandres, depuis son origine jusqu’au temps où ils vécurent. Descamps est plutôt un biographe qu’un historien. Il enregistre assez confusément les faits nombreux recueillis par ses devanciers, ne parlant que de ce dont ils ont parlé, oubliant ce qu’ils ont oublié. Comme tous les compilateurs, il a beaucoup lu, beaucoup transcrit, et rien imaginé. MM. Hotho de Berlin, Schnaase, Fiorillo, Waagen et Mme Jehanna Schopenhauer, postérieurs à Descamps et aux écrivains nationaux, ont des vues plus nouvelles et un coup d’œil plus étendu, mais les uns ne font encore que de la biographie, les autres de l’esthétique ;