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Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 21.djvu/1065

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à élever la voix, heureux si mes avertissemens pouvaient être de quelque utilité à ceux qui tiennent le gouvernail du navire, ou seulement prévenir quelques-unes des fausses manœuvres auxquelles on est tant exposé avec un équipage mal exercé et tumultueux.

L’amélioration populaire, le lendemain même de la révolution, prit le nom de l’organisation du travail. Le gouvernement provisoire a promis l’organisation du travail en principe, en décrétant le droit au travail. De la part des ouvriers parisiens, l’organisation du travail fut réclamée avec ce commentaire, qu’immédiatement le salaire devait être augmenté et la durée du travail diminuée, et puis encore, sous cette autre forme, que le marchandage devait être aboli, c’est-à-dire que l’industrie des sous-entrepreneurs ou tâcherons fût interdite. Ils demandèrent aussi l’abolition du travail à la pièce, et enfin le renvoi de tous les ouvriers anglais. En ce moment., l’organisation du travail se prépare, dans l’enceinte même de la chambre des pairs, par un congrès que préside un des membres du gouvernement provisoire, auteur d’un écrit qui a eu beaucoup de retentissement sous le titre même de l’Organisation du travail. Quant au marchandage, un décret du gouvernement provisoire l’a interdit comme étant l’exploitation du travailleur. La durée du travail a été l’objet d’un décret spécial, qui l’a fixée à dix heures pour Paris, à onze pour les départemens. Cependant à Paris, dans les grands ateliers de construction, l’on ne travaille plus que neuf heures. Dans plusieurs au moins de ces mêmes ateliers, le travail à la pièce reste prohibé, quoique le décret du gouvernement provisoire l’ait autorisé. Pour ce qui est de l’accroissement des salaires, plusieurs chefs d’industrie y ont souscrit. Recherchons ce qu’un observateur impartial, étranger aux événemens et hors du tourbillon des passions qui s’agitent, pourrait raisonnablement penser de tout ce mouvement, et disons-le avec sincérité. Le règne de la liberté illimitée laisse apparemment aux citoyens le droit d’exprimer leurs opinions en termes modérés.

Pour apprécier les moyens par lesquels peut se poursuivre le progrès populaire, il est utile de jeter un coup d’œil en arrière et de regarder comment les ouvriers des villes et des champs sont parvenus à leur condition actuelle, qui, si elle laisse infiniment à désirer encore, n’en est pas moins cent fois préférable à celle qu’ils avaient dans les temps antiques. C’est une étude qui a le tort d’être abstraite et froide en présence de réclamations palpitantes et d’événemens brûlans ; mais aussi bien c’est la seule manière de mettre la raison, qui seule découvre la vérité, à la place des passions qui l’obscurcissent ou la voilent.

Au point de départ de la civilisation, chez la plupart des peuples, l’homme dont le père de famille se fait assister dans son travail est un esclave qui n’a rien à lui, pas même sa propre personne, et qui vit dans