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même à faire concourir l’ouvrier à grossir le capital national en capitalisant lui-même. La caisse d’épargne a un effet admirable sur le moral de l’homme. Dès qu’il a fait un dépôt à la caisse d’épargne, l’ouvrier acquiert une conduite régulière, s’il ne l’avait déjà. L’arrivée à la propriété, c’est, pour le travailleur, ce qu’était pour le géant de la fable le contact de la terre, une source de force. De ce moment, il sait ce que c’est que prévoir ; l’avenir prend à ses yeux une signification, la vie un but. A côté de la caisse d’épargne, l’ouvrier dans l’âge mûr a la société de secours mutuels. Une justice prompte, impartiale et économique lui est garantie par les conseils de prud’hommes. Les cours d’adultes lui présentent un moyen de rafraîchir son instruction ou même de la faire, s’il a été trop négligé quand il était enfant. Pour ses vieux jours, il devrait avoir la caisse des retraites qui existe en Angleterre, et que, depuis quelques années, d’honorables citoyens préparaient pour la France. C’est un établissement en perspective. Et enfin la révolution dernière a mis en relief l’idée de la participation des travailleurs aux bénéfices des établissemens où ils sont employés ; c’est ce qui répond à l’organisation du travail, telle qu’on l’entend communément.

Que ce qui existe, même en germe, suffise, une fois développé, à satisfaire tous les besoins, ce n’est pas ce que je soutiens, puisque je viens de nommer la caisse des retraites, qui n’a eu que les honneurs d’un tardif projet de loi, et surtout la participation des ouvriers aux bénéfices, à l’égard de laquelle un projet de loi serait aujourd’hui encore infiniment difficile à rédiger, si l’on voulait qu’il fût général, et si, comme on le doit, on tenait à ne pas faire violence à la propriété, à ne pas contraindre la liberté à se voiler. Il y a surtout à dire que le réseau de l’organisation, même incomplète, dont je viens de rappeler les traits principaux, est loin d’être étendu partout sur notre patrie. Il s’en faut de beaucoup que tous les hommes ou même une majorité d’entre eux aient leur part de tous ces bienfaits. Il y aurait vingt fois plus de salles d’asile, qu’il n’y en aurait pas encore assez. Il y a un bien prodigieux, rien moins qu’un changement dans les mœurs, à attendre de ces touchantes réunions et des écoles qui doivent les suivre. Les écoles aujourd’hui ne sont que l’ombre de ce qu’elles devraient être. C’est un chapitre pour lequel il faut désormais qu’il y ait vingt millions de plus inscrits au budget. Je parle des écoles primaires, de celles qui doivent nous former des agriculteurs que nous puissions sans rougir mettre à côté des cultivateurs de la Grande-Bretagne ou de l’Ohio, et des ouvriers qui soient les dignes frères de ceux du Massachusetts. La loi sur le travail des enfans dans les manufactures n’a reçu jusqu’à ce jour qu’une sanction dérisoire ; il en faut une qui soit sérieuse, grande comme l’intérêt qu’il s’agit de protéger. Les caisses d’épargne, qui avaient un tel succès, qu’à Paris leur