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ne crois point au système de M. Louis Blanc, je l’ai assez dit. Je n’ai pas beaucoup plus de foi dans le fouriérisme. J’honore et j’admire Fourier, mais je ne vois dans ses écrits que des romans propres à faire valoir l’association qui en est la morale, et je ne les estime que pour la morale qu’ils font aimer. Néanmoins, dans la circonstance actuelle, une allocation de cinq, six ou dix millions, pour fonder une association d’après les idées de M. Louis Blanc, ainsi qu’un phalanstère, me semblerait au goût du jour. Ce serait une étude dont il sortirait des enseignemens. Ce serait aussi un gage de la bonne volonté du gouvernement en faveur des novateurs honnêtes, un moyen de calmer les impatiens qui nous débordent.

Quoiqu’il n’y ait pas pour l’organisation du travail un plan nouveau d’après lequel on puisse demain constituer les ateliers et régler les droits de chacun, ne désespérons pas cependant, et ne nous faisons pas plus pauvres que nous ne le sommes. Et d’abord fixons bien les idées. Entendons-nous bien sur ce que c’est que l’organisation du travail. Ce mot, auquel tant de vagues désirs se sont accrochés, qui est inscrit sur tant de bannières hardiment déployées aujourd’hui, n’a jamais été bien défini par ceux qui ont le plus contribué à le mettre à la mode, et c’est peut-être à cette circonstance qu’il est redevable d’une grande partie de son succès. Les hommes, les malheureux surtout, s’attachent de préférence à ce qui est mystérieux, parce qu’alors leur imagination exaltée croit voir parmi les nuages dont sont entourées les idoles qu’on leur présente tout ce qui doit soulager leurs maux et changer leurs souffrances en joies.

L’organisation du travail, prise dans le sens le plus large, doit consister dans un ensemble d’institutions qui offrent au travailleur une assistance efficace dans toutes les positions qu’il traverse, depuis le moment où il naît jusqu’à celui où il va chercher un monde meilleur. Ce n’est plus alors seulement une institution à la faveur de laquelle son travail dans l’atelier reçoive une rémunération équitable ; c’est aussi bien tout ce qui est nécessaire à protéger son enfance, à façonner sa jeunesse, à encourager son âge mûr et à abriter sa vieillesse. Eh bien ! la société moderne, qui date de 1789 et qui prit alors une devise dont elle ne doit jamais se séparer, la liberté, offre de nombreux élémens pour remplir les cases de ce vaste cadre. Nous avons pour l’enfance la crèche, la salle d’asile et puis l’école ; pour la jeunesse, l’école encore et l’apprentissage, l’inspection ordonnée par la loi sur le travail des enfans. L’âge mûr, engagé dans l’action, trouve une plus grande variété d’appuis tutélaires. Et d’abord nommons avec respect la caisse d’épargne, qui ne se borne pas à recueillir, pendant les temps prospères, des ressources pour les mauvais jours ou pour l’époque à laquelle les portes de l’atelier se fermeront au travailleur épuisé par les années, ni