Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 21.djvu/1092

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Paris exigent en les présentant sous des formes impossibles, elles ont besoin, pour se réaliser, du concours cordial de tous. Elles ne peuvent se produire que dans des circonstances bien définies. C’est comme ces belles cristallisations, aux prismes réguliers et aux pyramides effilées, qui, pour se former, veulent du calme, et auxquelles l’agitation substituerait un amas de poussière ou une masse confuse. Avertissons-en les ouvriers. Ils ont demandé la liberté, ils l’ont ; qu’ils la respectent dans les autres. Ils se plaignaient d’être comprimés, ils font la loi ; qu’ils la fassent juste pour tous ; l’iniquité retombe toujours sur la tête de ses auteurs ; mais surtout qu’ils ne s’impatientent pas. Il y. eut mi peuple que Dieu avait choisi entre tous pour en faire son peuple de prédilection. Ce peuple avait été mis en servitude par les Égyptiens. Dieu lui brisa ses chaînes et lui promit de le conduire dans une terre d’abondance ; mais il le fit rester quarante ans dans le désert afin de le préparer à jouir dignement des ruisseaux de miel et de lait que la terre de Chanaan devait offrir. Nous aurons, nous aussi, une station à faire avant de passer sous le régime définitif que nous entrevoyons, et qui, si la publique espérance n’est pas vaine, doit faire de notre France le modèle des nations par la noblesse et la grandeur de ses institutions, par la prospérité des travailleurs. Acceptons ce temps d’arrêt. La patience est l’attribut des forts, l’impatience celui des enfans.

Et si quelques personnes s’efforçaient d’exciter le courroux populaire et de déchaîner les populations, sous prétexte que l’amélioration doit être soudaine, qu’il la faut telle à tout prix, même par le renversement des principes sur lesquels les sociétés ont toujours été fondées, la propriété et la famille, placardons ces paroles que Franklin, un ouvrier qui était devenu un grand homme d’état et un grand philosophe, disait à ses concitoyens : « Si quelqu’un vous dit que vous pouvez vous enrichir autrement que par le travail et l’économie, ne l’écoutez pas ; c’est un empoisonneur. »


MICHEL CHEVALIER.