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les difficultés du gouvernement étaient plus grandes ; les Fanariotes, moins riches et moins arrogans, y étaient plus rusés, et, sans aucun doute, le parti national y était beaucoup plus remuant, plus nombreux, plus hardi et de tout point plus exigeant. A la vue des tiraillemens auxquels il se trouva bientôt en butte, le prince conçut d’abord la pensée de gouverner par lui-même, indépendamment de toute influence. N’ayant pu y réussir, et s’étant pris d’une susceptibilité très honnête, quoique imprudente et funeste dans ses conséquences, il ne songea qu’à étendre ses prérogatives et visa directement à la dictature. Les Fanariotes le forcèrent à accepter leur aide, dont il se défiait. Le parti national, de son côté, s’irrita jusqu’à menacer ouvertement un pouvoir à peine assis, et alors commença une lutte délicate, savante, énergique, où toutes les passions, petites et grandes, jouèrent leur rôle, où l’intrigue fut de mise comme le courage et où l’ambition égoïste mêla plus d’une fois ses calculs aux vœux du patriotisme. M. Campiniano, le frère de celui-là même qui avait protesté contre la constitution imposée par la Russie, marchait à la tête des désintéressés, c’est-à-dire de ceux qui poursuivaient le développement de l’idée roumaine à travers toutes les questions de personnes et toutes les oscillations des événemens. Les autres, excités par l’appât d’un règne nouveau qu’ils se promettaient d’amener, suivaient pêle-mêle à la curée du pouvoir MM. Villara, George Bibesco, Styrbey, son frère, et le vieux Philippesco. On aurait pu donner à ceux-ci le nom de parti des diplomates, ou tout autre moins favorable ; on les baptisa de celui de vieux Valaques, parce que, sans cesser de se dire patriotes, ils avaient tenu, sans doute pour mieux plaire à la Russie, à se montrer dépourvus de générosité et de libéralisme. Quant aux désintéressés, à ceux qui sont vraiment le parti national et roumain, ils prirent la qualification de jeunes Valaques, parce qu’ils croyaient sentir en eux les vertus chaleureuses qui créent ’et donnent la vie. Ainsi, tandis que les uns se bornaient à critiquer l’administration de Ghika en s’aidant seulement de quelques intrigues adroitement et perfidement conduites, les autres combattaient aussi le prince dans l’assemblée et au dehors, mais partout au grand jour de la publicité. Campiniano, outre ses actes de député, rendait des services éminens au roumanisme par les encouragemens qu’il accordait à la littérature nationale, véhicule triomphant de la pensée roumaine. Il lui fondait un asile tutélaire en établissant la société philharmonique, qu’il transforma plus tard en un théâtre national, où d’abord des amateurs et ensuite des artistes de profession devaient représenter des comédies et des drames nationaux et aussi des traductions de Voltaire et d’Alfieri ou d’écrivains plus modernes.

Les poètes et les savans moldaves, bessarabes ou transylvains, prêtaient