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Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 21.djvu/136

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les souvenirs et les ambitions du roumanisme. Le parti des vieux Valaques, décimé chaque jour par l’âge, laisse vacantes des positions administratives qui bientôt ne pourront plus être remplies que par les jeunes Valaques. Fussent-ils même condamnés à rester en dehors des affaires et à n’employer qu’à des travaux littéraires et à la politique spéculative leurs connaissances acquises, les jeunes Valaques seraient maîtres de l’opinion et pèseraient toujours d’un grand poids sur la marche des choses. Peut-être même ne serait-ce pas sans danger que les hospodars essaieraient de se passer de leur concours. Les jeunes Valaques, tout en se réservant de qualifier comme il convient les malversations patentes de Michel Stourdza et les défaillances politiques de George Bibesco, n’ont point contre ces princes de parti pris, aucun projet d’hostilité, ni même aucun sentiment de rancune. L’appui de ce parti nouveau est cependant conditionnel, et si les princes actuels, au lieu d’accepter ce que le roumanisme a de praticable dans les circonstances présentes, au lieu de lui permettre de se développer tranquillement et pacifiquement par la publicité ou dans les écoles, s’avisaient de combattre la publicité par la censure, comme il est arrivé trop souvent, ou d’entraver la propagation de la langue et de la littérature nationale dans l’enseignement supérieur, comme ils l’essaient aujourd’hui sous le faux prétexte de favoriser la langue française ; si, effrayés par les menaces des Fanariotes, ils leur rendaient quelque peu de leur influence perdue ; s’ils se prosternaient trop complaisamment devant les illégalités diplomatiques que se permet si fréquemment le protectorat, alors les jeunes Valaques seraient bien forcés de se prononcer contre ces princes infidèles à leur origine, de les poursuivre par une opposition formelle et systématique. Puis, reprenant peut-être la confiance avec laquelle Vladimiresco en appelait naguère des hospodars fanariotes au sultan, ils verraient s’il n’est point enfin parmi eux quelque autre boyard dont on puisse faire un prince qui, respectueux pour la suzeraineté ottomane, saurait enfin continuer largement les traditions de 1821 et mettre le pouvoir aux mains du roumanisme. Dans tous les cas, que la pensée nationale s’empare du gouvernement du pays, soit parce que les princes actuels ne craindraient point de lui ouvrir leurs bras, soit parce qu’elle aurait elle-même élevé sur le trône un prince de son choix, ce jour sera le plus beau qui ait depuis long-temps brillé sur les principautés et sur la Romanie. Il portera la lumière et la joie dans toutes les directions, de la mer Noire à la Theiss, du Danube au Dniester. Les Transylvains, qui ne manquent jamais d’appeler les deux principautés leur patrie, croiront eux-mêmes triompher. Les Bessarabes useront de tout ce qui leur reste de liberté pour applaudir au succès de leurs frères valaques, et il y aura ainsi des hommes heureux par la pensée roumaine jusque sous le sceptre des