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Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 21.djvu/188

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ment que le roi Ernest. En Allemagne., l’esprit politique n’est encore que peu développé ; il est circonscrit dans les classes lettrées, dans le monde scientifique et théorique : il n’est pas encore descendu dans les classes populaires. C’est pourquoi des atteintes à la constitution qui en France ou en Angleterre ne produiraient rien moins que des révolutions, n’excitent que peu de passion et ne rencontrent que peu de résistance dans beaucoup des états de l’Allemagne. Les classes supérieures s’agitent et se plaignent, mais le peuple reste à peu près indifférent ; il faudra encore du temps avant que l’esprit public ait pénétré dans les couches inférieures.

Une révolution ministérielle très sérieuse et en même temps très inattendue vient de s’accomplir en Hollande. On sait qu’à l’ouverture de la session actuelle des états-généraux, le roi avait annoncé qu’il saisirait les chambres d’une proposition pour la modification de la loi fondamentale. C’est sur le sens de cette promesse qu’il se serait manifesté entre le roi et ses ministres des dissentimens par suite desquels M. Van Hall, ministre des finances, et M. de la Sarraz, ministre des affaires étrangères, ont offert leur démission. Ils sont remplacés dans le cabinet par M. Van der Heim et M. Van Rappard. Les opinions des nouveaux ministres passent pour être contraires à toute réforme sérieuse de la loi fondamentale, et, en même temps que leur nomination, le journal officiel de La Laye publie une espèce de manifeste où il se plaint assez amèrement des fausses interprétations qui ont été données à la promesse du roi, et repousse l’introduction d’innovations étrangères comme aussi dangereuse que celle du cheval de Troie. Peut-être la roi de Hollande compte-t-il, comme le roi de Hanovre, comme l’électeur de Hesse, sur le caractère tranquille de son peuple ; ce sont des expériences qui seront jugées par le résultat.

Le parlement anglais a clos sa session extraordinaire qui avait été convoquée pour parer aux nécessités et aux dangers de la crise commerciale. Du reste, quand les chambres ont été rassemblées, la crise avait déjà atteint son terme ; le gouvernement n’a pas même eu besoin de demander un bill d’indemnité, et il s’est contenté de proposer la nomination d’un comité pour examiner la loi de la banque. De cette manière, le parlement a évité la perte de temps considérable qu’aurait nécessairement entraînée une discussion publique sur la législation financière du pays. C’est une question ajournée, qui se reproduira dans la session ordinaire qui doit s’ouvrir au mois de février.

Des questions d’un intérêt plus pressant encore et plus immédiat réclamaient d’ailleurs l’attention des chambres anglaises. Il a bien fallu s’occuper de l’Irlande, dans laquelle régnait une terreur qui rappelait les temps barbares. Au milieu des débats les plus orageux et des querelles interminables des représentans de l’Irlande, le parlement a voté une de ces lois de coercion qui se reproduisent de période en période sans jamais produire un effet durable. Le lord-lieutenant d’Irlande n’attendait que le vote de la loi pour mettre en vigueur les pouvoirs extraordinaires qu’elle devait lui confier. Quelques momens après l’avoir reçue, revêtue de la sanction royale, il a rassemblé son conseil, et a immédiatement promulgué des ordonnances qui étaient préparées depuis long-temps, et qui mettaient en état de siége les districts les plus ravagés par les assassinats. Ces mesures de répression auront, on peut le prédire, le sort de toutes celles qui les ont précédées ; elles ne seront qu’un palliatif et n’atteindront point