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l’émancipation des juifs comme autrefois celle des catholiques ; mais l’attitude prise par son collègue M. Gladstone, qui représente, depuis cette année seulement, l’université d’Oxford, a montré quels progrès s’étaient opérés depuis quinze ans dans l’opinion publique de l’Angleterre, surtout dans les classes éclairées. Cependant, et malgré la majorité considérable qui a accueilli dans la chambre des communes le bill d’émancipation des juifs, il ne faudrait pas encore regarder la question comme résolue. La lutte sera plus vive et d’une issue beaucoup plus douteuse dans la chambre des lords, où siégent les évêques. M. Disraëli ne sera pas là pour prouver à l’archevêque de Cantorbéry qu’il est juif et que tous les chrétiens sont nécessairement juifs, puisqu’ils admettent l’Ancien Testament. Ce n’est pas d’ailleurs avec ces tours de force d’un esprit paradoxal que la question peut être résolue ; elle ne le sera définitivement que lorsque l’Angleterre aura accepté le principe posé par la révolution française, à savoir que tous les citoyens sont égaux devant la loi, et qu’ils ont tous un droit égal aux privilèges de la constitution sans distinction de culte ou de croyance.

Les discussions engagées dans la courte session du parlement anglais ont, du reste, été exemptes de tout esprit de parti. La question de la banque, celle de l’Irlande, celle de l’admission des juifs, n’étaient pas de nature à rétablir la ligne de démarcation qui s’est presque entièrement effacée entre les tories et les whigs. Si quelque danger menaçait le ministère de lord John Russell, il viendrait du dedans plus que du dehors. Une question personnelle paraît devoir apporter en ce moment quelque trouble dans le cabinet. Le grand chancelier, lord Cottenham, est, dit-on, sur le point de se retirer pour des raisons de santé ; sa retraite ouvrira la porte à de nombreuses ambitions que lord John Russell sera fort embarrassé de satisfaire.

Les partis ne sont pas dans une situation beaucoup plus régulière aux États-Unis. Le congrès américain s’est ouvert le 4 décembre, et on attend tous les jours en Europe le message du président. Jusqu’à présent, il y avait eu en Amérique, comme en Angleterre, deux grands partis : les whigs, qui sont aux États-Unis les tories, et les démocrates. Aujourd’hui ces deux grandes divisions paraissent confondues et désorganisées ; il y a environ vingt candidats mis en avant pour la prochaine élection présidentielle qui doit avoir lieu au mois de novembre 1848. Les nouvelles du Mexique continuent à être de plus en plus vagues, et Santa-Anna est à peu près aussi introuvable qu’Abd-el-Kader.



V. de Mars.