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sous les surcharges que le nom primitivement écrit était celui de don Fernand, fils de doña Maria de Hinestrosa, femme de Garci Laso Carrillo. Cette conjecture est d’autant plus probable, que les amours du roi avec cette dame sont attestés par Ayala, et, en outre, parce qu’il est naturel de supposer à don Pèdre une préférence pour ce fils appartenant à la famille des Padilla.

En appelant à lui succéder en premier lieu l’infante Beatriz, le roi lui commande de se marier à l’infant de Portugal, auquel il l’avait déjà fiancée, et qu’il désigne pour être roi avec elle. Ici paraît, à mon sentiment, cette pensée constante de don Pèdre, l’agrandissement de la Castille, qui, avec le Portugal, ne doit plus former qu’un royaume. A défaut de l’infant de Portugal, doña Beatriz est libre de se choisir un époux ; cependant, sous peine de malédiction et de déshérence, son père lui défend de se marier soit avec don Henri, soit avec don Tello, soit avec don Sanche, dont il rappelle l’ingratitude et les trahisons. Cette défense peut paraître singulière, vu les étroites relations de parenté existant entre doña Beatriz et les trois bâtards frères du roi. Peut-être a-t-elle pour but de déjouer quelque projet conçu à cette époque et tendant à terminer les guerres civiles de la Castille par une union entre les bâtards et la famille royale.

Ayant ainsi déterminé l’ordre de succession, don Pèdre s’occupe du partage de son trésor particulier entre ses enfans. Ses filles sont avantagées, son fils n’a qu’un legs médiocre. Il fait six parts de ses biens meubles, parmi lesquels figurent une grande quantité de pierreries. Beatriz aura trois parts, Constance deux, Isabelle une seule. Le roi désigne minutieusement les perles, les joyaux, les objets précieux qu’il lègue à chacune des infantes, les armes qu’il réserve à son fils. Je ne le suivrai pas dans cette énumération, intéressante pour l’antiquaire, et je passe à des dispositions plus remarquables. Suivant l’usage, le prince ordonne quelques fondations pieuses pour le salut de son ame, et notamment, ce qui lui fait honneur, le rachat de mille captifs chrétiens chez les Maures. Immédiatement après ces dispositions, dictées par un sentiment religieux, on en trouve d’autres dont le motif est bien différent sans doute. Quatre femmes qu’il désigne doivent recevoir, la première 2,000 doubles castillannes, les autres 1,000 doubles seulement, à la condition pour toutes d’entrer en religion. Cette dernière clause, où perce une jalousie despotique qui survit à la mort, ne permet pas de douter qu’il ne s’agisse de maîtresses obscures. En effet, leurs noms ne sont cités dans aucune chronique, et, sans ce testament, ils seraient parfaitement inconnus. Mari Ortiz, sœur de Juan de Sant Juan, semble la préférée, car elle a le legs de 2,000 doubles. Les autres sont Mari Alfon de Fermosilla, Juana Garcia de Sotomayor et Urraca Alfon Carrillo. La forme de ces noms n’indique point