Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 21.djvu/309

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Beatriz avant été solennellement proclamée héritière de la couronne, le roi prévit et régla, comme il l’avait fait dans son testament, les droits éventuels de ses deux autres filles pour le cas où leur aînée mourrait sans postérité. Je ne trouve point qu’il ait été fait mention du fils naturel, appelé dans son testament à succéder aux infantes. Peut-être le roi craignait-il de trop exiger de l’obéissance de ses peuples. Après avoir reçu le serment des cortès, il fit rédiger un procès-verbal de la séance, auquel tous les députés présens apposèrent leur signature, formalité singulière et tout à fait inusitée à cette époque. Puis, comme s’il eût voulu associer toute la nation à sa vengeance, il fit proclamer, au milieu de l’assemblée, la liste des seigneurs bannis du royaume et déclarés coupables de haute trahison[1]. Cette table de proscription était la plus longue qui eût encore paru. Nulle protestation ne se fit entendre ; mais l’arrêt n’en fut pas moins vivement désapprouvé par toute la noblesse. C’en était fait de ce privilège si cher aux riches-hommes de changer à leur gré de patrie et de suzerain. Esclaves maintenant, ils voyaient le glaive toujours levé contre quiconque essaierait de rompre ses chaînes.


XVII.

OPERATIONS MILITAIRES DANS LE ROYAUME DE VALENCE. – MORT DE L’INFANT D’ARAGON. – DEFECTION DU ROI DE NAVARRE. — 1363.=


I.

Les succès obtenus par don Pèdre avaient stimulé le zèle de ses alliés. Gil Carvalho, maître de l’ordre portugais de Saint-Jacques, lui amena trois cents hommes d’armes d’élite. L’infant Louis de Navarre et le captal de Buch rejoignirent ses drapeaux avec un corps nombreux, apportant la nouvelle de quelques conquêtes déjà faites en Aragon par le roi de Navarre[2]. Enfin, le roi de Grenade, Mohamed, envoya à l’armée castillanne un capitaine musulman que les auteurs contemporains traitent de chevalier et qu’ils nomment don Farax, fils de Redouân. C’était contre le royaume de Valence que ce dernier auxiliaire devait opérer avec six cents génétaires grenadins. En demandant au conseil de sa bonne ville de Murcie un accueil hospitalier pour ses alliés musulmans, le roi de Castille l’engageait à réunir ses milices à la cavalerie maure « pour ravager

  1. Ayala, p. 366. — Ayala n’a point fait connaître les noms des seigneurs proscrits par don Pèdre ; on ignore quels ont été les motifs de cette réticence. Il est certain qu’il n’était pas lui-même compris dans cette liste, bien que quelques auteurs modernes l’aient avancé.
  2. Entre autres celle de Salvatierra, partido de Cinco Villas, diocèse de Pampelune. Yanguas, Ant. De Nav., t. III, p. 100.