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neuve ou se replièrent sur le royaume de Murcie ; mais la plupart, croyant que tout était perdu pour don Pèdre, se dispersèrent après avoir vendu au roi d’Aragon les places qu’ils avaient ordre de démanteler[1].

Dès que don Pèdre eut quitté Burgos, les bourgeois, déjà découragés et témoins des mauvaises dispositions des riches-hommes demeurés dans leurs murs, pensèrent à leur salut et ne balancèrent plus à envoyer une députation à don Henri. Les lettres de créance remises par le conseil de la commune à ses mandataires étaient adressées au comte de Trastamare ; mais elles leur enjoignaient de le reconnaître comme roi, dès qu’il aurait juré de garder les libertés et les privilèges de la ville. Dans cette rapide révolution, nobles et bourgeois ne songeaient qu’à leurs intérêts ; chacun cherchait à obtenir du nouveau maître quelque faveur particulière. Au lieu de conquérir son royaume, don Henri allait l’acheter. Il jura de maintenir les antiques franchises de Burgos, promit même, dit-on, d’exempter la ville de tout impôt[2] ; et immédiatement après les portes s’ouvrirent pour son entrée triomphale. Dès le lendemain, il s’y fit couronner en grande pompe dans l’église du monastère de las Huelgas. À cette cérémonie assistèrent beaucoup de riches-hommes et des députations de plusieurs grandes villes de la Castille, car la fuite précipitée de don Pèdre semblait à toute l’Espagne un aveu de son impuissance, et, comme l’avait dit Du Guesclin, une abdication de sa souveraineté. Les premiers actes du prétendant furent des graces accordées aux hommes qui de capitaine d’aventure l’avaient fait roi. L’argent qu’il trouva dans le château de Burgos, et que le trésorier de don Pèdre s’empressa de lui remettre, une contribution extraordinaire imposée aux Juifs de la ville, servirent à payer la solde de ses mercenaires étrangers et mainte défection subalterne. Des titres de noblesse, des concessions de terres, des fiefs royaux furent distribués avec une libéralité inouie jusqu’alors aux principaux de ses compagnons d’armes et particulièrement aux chefs de la grande compagnie. A Bertrand Du Guesclin il donna le comté de Trastamare, et, il y ajouta la riche seigneurie de Molina avec d’immenses domaines. Sir Hugh de Calverly reçut le titre de comte de Carrion et l’apanage, considérable qui en dépendait. Le comte de Denia, chef des auxiliaires aragonais, que don Henri pendant son exil avait nommé son frère d’armes, ne fut point oublié ; il devint marquis de Villena et obtint en partage tous les biens qui avaient composé la dot de la comtesse de Trastamare. Devenu roi, don Henri ne voulait rien garder de sa fortune privée. Don Tello reprit le titre de seigneur de Biscaïe, et eut encore

  1. Ayala, p. 404. Abr., note 4.
  2. Cascales, Hist. de Murcia. Lettre de don Pèdre au conseil de Murcie, p. 199.