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Ainsi, tout semblait concilié à cette époque ; il ne restait plus qu’à exécuter les traités. Malheureusement la crise financière survint, et rendit impossible la formation d’une compagnie dont le capital devait être de 120 millions. La soumission des deux compagnies de Versailles fut ajournée, et le gouvernement reconnut l’impossibilité de tenter une adjudication.

Cependant, grace aux crédits votés par les chambres, les travaux de terrassement exécutés par l’état entre Versailles et Chartres, sur une longueur de 74 kilomètres, marchaient avec activité, et il devenait indispensable de poser la voie de fer laissée à la charge de l’association qui n’avait pu encore se constituer. Pour ne pas perdre un temps précieux et pour utiliser des dépenses considérables, il était urgent de prendre un parti. Le gouvernement porta à la chambre des députés une proposition d’après laquelle les deux compagnies de Versailles seraient chargées de fournir et de poser à leurs frais la voie jusqu’à Chartres, et d’acquérir le matériel nécessaire à l’exploitation. C’était une solution provisoire, mais la chambre des députés pensa qu’elle engageait trop l’avenir ; il lui parut qu’il était préférable de donner à l’état lui-même le soin de poser la voie de Versailles à Chartres, et, dans cette vue, elle alloua un crédit de 10 millions. Cette mesure, qui conciliait l’intérêt du présent sans engager l’avenir, laissait au gouvernement la faculté de déterminer ultérieurement les clauses de la concession en pleine et entière liberté.

Aujourd’hui les travaux de terrassement sont achevés, les rails sont posés ; en vertu de l’ordre exprès des chambres, on va mettre la main aux travaux de raccordement, et avant très peu de temps la circulation pourra être établie sur toute la ligne de Versailles à Chartres. Voilà donc un chemin de 74 kilomètres auquel il ne manque que les moyens d’exploitation, un chemin précieux pour l’approvisionnement de Paris, et qui est une première satisfaction accordée aux intérêts de l’ouest. Il serait impossible d’en retarder d’un seul jour l’ouverture ; mais, tandis que le gouvernement proposait la réunion des deux compagnies de Versailles comme l’expédient le plus prompt pour la mise en exploitation, sauf à procéder plus tard à une concession définitive, la résistance obstinée de la compagnie de la rive gauche est venue menacer de paralyser ses intentions et de compromettre un grand intérêt public.

La rive gauche veut le chemin de l’ouest pour elle seule. Tout ou rien. Vainement lui objectera-t-on le manque de capitaux nécessaires pour une telle entreprise, l’impossibilité de suffire aux besoins du service avec un chemin dans de fort mauvaises conditions de solidité, un matériel incomplet et défectueux, une gare où, faute d’espace, ne peuvent aborder les marchandises ; la compagnie ne voit dans tout cela qu’un projet de sacrifier les quartiers de la rive gauche à ceux de la rive droite, de ruiner la moitié de Paris pour faire les affaires de tel ou tel banquier influent. Certes, le gouvernement est disposé à concourir autant qu’il est en son pouvoir à l’accroissement et à la prospérité de chaque quartier de Paris, et, si cela ne dépendait que de lui, le boulevard du Maine serait aussi riche et aussi populeux que la Chaussée-d’Antin ; mais est-il le maître de détourner sur un point ou sur un autre le courant et l’activité des affaires ? Dans la question du chemin de fer de l’ouest, il ne s’agit pas d’ailleurs de discuter les prétentions rivales de deux faubourgs, mais bien de savoir s’il n’est pas au-dessus de ces querelles un intérêt de premier ordre dont, à l’exclusion de tout autre, le gou-