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ou cherchaient à passer en pays étranger : personne ne songeait à protester contre le jugement rendu sur les bords de la Najerilla.


XXII.

RESTAURATION DE DON PEDRE. — 1367-1368.


I.

Le prince de Galles entra dans Burgos quelques jours après don Pèdre. Là, leur mésintelligence éclata de nouveau et de la manière la plus flagrante. Le premier se plaignait amèrement que son allié lui vendît trop cher ses services ; le second que l’on n’exécutât pas fidèlement le traité de Libourne. On remarqua que le prince voulut prendre son logement hors de la ville, loin du roi, qui s’était établi dans le château : ils semblaient se défier l’un de l’autre. Édouard n’était plus consulté sur rien, et don Pédre prétendait gouverner seul comme par le passé. A peine arrivé dans Burgos, il fit arrêter l’archevêque Jean de Cardalhac, né en Gascogne et parent du comte d’Armagnac, un des principaux chefs de l’armée anglaise. Pour rendre impossible toute intercession en sa faveur, le roi le fit partir précipitamment pour le château d’Alcalà de Guadaïra, en Andalousie, où l’attendait un de ces cachots creusés sous terre, affreuse invention du despotisme féodal[1]. Peu de temps après, on conduisit dans la même forteresse Diego de Padilla, maître de Calatrava et beau-père du roi. On a vu qu’il s’était hâté de faire sa soumission à don Henri avant même que don Pèdre eût quitté ses états, et, par la promptitude de cette défection, il avait obtenu de l’usurpateur la conservation de sa haute dignité, ou plutôt que don Henri s’abstînt de prononcer entre lui et don Pedro Moniz, qui se prétendait aussi maître de Calatrava[2]. Padilla avait cherché à se faire oublier, se cachant, en quelque sorte, dans les châteaux de son ordre. Lorsque l’approche des Anglais eut obligé don Henri à réunir toutes ses forces, Padilla, par des lenteurs calculées, fit en sorte de demeurer en arrière et n’assista point à la bataille de Najera. Instruit du résultat, il accourut auprès de don Pèdre à la tête d’environ deux cents chevaliers de son ordre, appelés par lui, disait-il, pour voler au secours de leur légitime souverain. Don Pèdre ne fut point la dupe de ce mensonge ; dès qu’il vit la Castille soumise, il fit arrêter le traître et le jeta, en prison. Padilla y mourut au bout de quelques mois. Il avait été déjà remplacé dans ses fonctions par Martin Lopez, maître d’Alcantara[3].

  1. Ayala, p. 473 et suivantes, appelle cette prison un silo. L’archevêque y passa près de deux ans. Il fut depuis archevêque de Toulouse.
  2. Torres y Tapia, Cron. de Alcant., t. II, p. 102 et suiv.
  3. Rades, Cron. de Calat., p. 58, 59. — Torres y Tapia, Cron. d’Alcantara, prétend que don Diégo de Padilla était mort en 1365, et il cite une protestation des frères de Calatrava contre l’élection de Martin Lopez datée du 30 août, ère 1103 (1365). Voyez t. II, p. 103 et suiv. M. Llaguno discute et condamne ce document dans une note à laquelle nous renvoyons le lecteur. Ayala, p. 596. — Suivant Ayala, Padilla aurait été mis à mort dans le donjon d’Alcalà de Guadaïra en 1369 par ordre du roi, qui avait appris qu’il correspondait avec les rebelles. Ayala, p. 536.