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dans Cordoue avec quelques hommes d’armes, s’était empressé d’y faire exécuter des travaux de défense. Les bourgeois le secondaient avec beaucoup de zèle, mais ils manquaient d’armes et d’expérience. Éloignés de don Henri, entourés de barbares, condamnés par un despote impitoyable, ils se regardaient comme des victimes dévouées, mais ils puisaient un courage nouveau dans leur désespoir, et s’apprêtaient à mourir sur la brèche avant d’implorer leur pardon. Un secours inattendu vint encore exciter leur ardeur. A l’approche des Maures, don Alphonse de Guzman, qui occupait le château de Hornachuelos, quitta son fort avec toute sa garnison, et, passant la nuit au milieu des Grenadins sans être reconnu, alla s’enfermer dans Cordoue, résolu à partager le sort de ses habitans. C’était un faible renfort, mais, en voyant les plus nobles seigneurs du pays s’associer à leurs périls, les bourgeois se crurent plus forts et le devinrent en effet.

Mohamed amenait à don Pèdre cinq mille génétaires et trente mille hommes de pied, dont un grand nombre d’arbalétriers excellens. C’était en quelque sorte une levée en masse des Maures de Grenade. Cordoue, pendant long-temps capitale des Arabes andalousiens, restait dans l’imagination des musulmans comme une cité sainte. A leurs yeux, la célèbre mosquée bâtie par Abdérame, devenue église chrétienne, mais encore pure des additions qu’y fit depuis Charles V, était un sanctuaire aussi vénéré que le temple de Jérusalem pour les croisés du XIIe siècle. Une expédition contre Cordoue réchauffait le fanatisme chez tous les musulmans de la péninsule, et les enflammait d’une ardeur guerrière. Aussi marchaient-ils contre cette malheureuse cité comme à une croisade, et il n’y avait pas une ville maure qui n’eût envoyé ses volontaires à cette sainte entreprise.

En voyant paraître l’ennemi, le maître de Saint-Jacques et ses chevaliers s’attendaient à une escarmouche devant les barrières, c’était alors le début de tous les sièges. Les plus braves de la garnison s’étaient portés à la Calahorra, grosse tour qui formait comme une tête de pont sur la rive gauche du Guadalquivir ; ils croyaient n’avoir qu’à rompre quelques lances ou échanger des traits avec les jeunes émirs grenadins. Ils se trompaient. Ce ne fut point une escarmouche, mais un assaut général poussé avec fureur qu’ils eurent à soutenir. Profitant de leur nombre, les Maures attaquèrent la place de plusieurs côtés à la fois. D’abord, par une grêle de garrots, leurs arbalétriers délogent les chrétiens des postes avancés et du parapet de la Calahorra ; puis, plantant partout des échelles avec la plus grande résolution, les plus vaillans assaillent cette tête de pont, tandis que d’autres colonnes, passant le fleuve, investissent le corps de la place, s’efforcent de saper la base des remparts et d’y pratiquer des brèches. Après un vif combat, un émir, nommé Aben-Faluz, s’empare de la Calahorra, et presque en même