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France et l’Angleterre, il ne s’agissait que de rechercher des noirs enlevés par un infâme trafic, et ici le droit était parfaitement réciproque. Les droits de la nationalité étaient saufs, puisque la juridiction nationale seule prononçait sur la réalité du crime et appliquait la peine. Il était même statué qu’aucun navire croiseur ne pouvait exercer la visite qu’en vertu d’une commission spéciale décernée par l’un et l’autre gouvernement. Ainsi il semble que seuls les négriers avaient lieu d’être mécontens. Une chose était vraie ; 1841 était un moment mal choisi pour jeter dans la discussion publique une question d’où étaient sortis déjà des sujets de plainte réels ou supposés contre les procédés brutaux de quelques commandans anglais. Le traité de 1841 était inopportun, vu l’état des esprits ; on en fit un crime de lèse-nation. On y découvrit un acte de vasselage vis-à-vis de l’Angleterre. Le cabinet fut le ministère de l’étranger, et les élections de 1842 se firent avec ce mot d’ordre. Sans la catastrophe qui, le lendemain même des élections, ravit à la France le prince accompli sur lequel reposaient ses espérances les plus chères, il est probable que le ministère aurait été renversé.

Parallèlement à la question du droit de visite, une autre affaire faisait son chemin, moins épineuse peut-être dans la forme, mais plus grosse de difficultés au fond, celle de l’accroissement de notre état naval et de notre appareil militaire en général. L’opposition demandait que la France agrandît ses armemens, et surtout les maritimes, dans la pensée que nous pouvions reprendre l’empire des mers, et que nous devions être toujours prêts à le disputer. Le public, ou tout au moins cette portion de la nation qui s’agite le plus et qui parle tandis que le reste se tait, applaudissait à l’idée de grands préparatifs sur terre et encore plus sur mer. Il trouvait qu’on n’en faisait jamais assez.

Pendant ce temps, quelle était l’attitude du parti du gouvernement ? Il était unanime à vouloir la paix, mais non à soutenir ou à provoquer les mesures qui pouvaient faciliter et accélérer le rapprochement des deux gouvernemens dans leur indépendance réciproque. En présence du torrent hostile à la Grande-Bretagne, qui s’était spontanément formé en France et que l’opposition avait su grossir, quelques conservateurs s’y précipitèrent, espérant de le guider sans doute. Cette fraction des conservateurs fut bien malheureusement inspirée, lorsqu’elle se mit à attaquer le droit de visite et à fulminer contre l’Angleterre avec autant d’ardeur que l’opposition elle-même. Quant au droit de visite, du moment que le ministère avait fait le traité du 20 décembre 1841, le parti conservateur, qui reconnaissait les ministres pour ses chefs et savait leurs embarras, avait sa ligne bien indiquée : c’était de défendre résolûment le traité, en donnant au public toutes les explications propres à le lui faire prendre pour ce que c’était, un contrat qui ne sacrifiait pas plus l’une des deux nations que l’autre, la conclusion d’une négociation