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qui s’ensuivent. Le projet de loi est du commencement de 1847. A la fin de la même année, la commission de la chambre des députés, en cela trop fidèle an mandat qu’elle avait reçu des bureaux, y substituait d’autres dispositions soutenues par un rapport qui, je le crains, restera comme un monument de l’ignorance de la majorité dont il reflète les opinions ; et de l’arrogance qu’affectent de notre temps les intérêts privés en face de l’intérêt général.

Cependant tout ce qu’entreprenait ou seulement tentait l’Angleterre à l’égard de sa marine était aussitôt traduit, en France, comme une menace contre nous, comme si c’eût été un plan d’invasion. On en eut la preuve à l’occasion des enquêtes faites de l’autre côté du détroit sur les ports de refuge à établir dans la Manche. Les côtes de la Manche, on le sait, sont inhospitalières. La marine marchande y éprouve un grand nombre de sinistres. Ce sont de grandes pertes pour le commerce anglais, qui y a continuellement en passage dans tous les sens une multitude de navires, et il y a long-temps que des enquêtes s’ouvraient périodiquement sur ce sujet. Un comité avait été nommé dans la chambre des communes pour rechercher ce qu’il y aurait à faire ; il s’appelait le comité des naufrages. Il arriva à cette idée simple, qu’il fallait avoir, dans la Manche, un ou plusieurs ports de refuge (harbours of refuge) accessibles à toute heure de la marée aux navires de tout tonnage. Une commission administrative fut alors nommée pour rechercher où et comment ces ports de refuge pourraient être établis. Jusque-là il n’y a rien dont personne pût s’émouvoir. Il est même de l’intérêt de tout le monde que sur la rive anglaise de la Manche il y ait des asiles sûrs où les bâtimens trouvent à s’abriter pendant la tempête. Les instructions données par l’amirauté à la commission administrative portaient que les ports de refuge devraient être disposés de manière à pouvoir, en cas de guerre, servir de station aux bâtimens de la marine royale, et qu’en conséquence on devrait les pourvoir de moyens de défense et d’attaque. Mais, en vérité, lorsque l’amirauté anglaise faisait étudier un projet qui devait donner lieu à une forte dépense, à moins d’avoir perdu le sens, ne devait-elle pas chercher à en tirer tout le parti possible et prévoir le cas d’une guerre ? Est-ce que chez nous le gouvernement, quand il étudie des projets d’établissemens maritimes d’un caractère commercial, néglige de se demander quels services militaires on pourrait au besoin en attendre ? C’est ce qu’on a fait pour les travaux actuellement en cours d’exécution à Saint-Malo ; c’est ce qu’on a répété dans dix autres circonstances, par exemple, quand il s’est agi d’améliorer auprès de Marseille l’étang de Berre ; c’est ce qu’on renouvellera toutes les fois qu’on demandera aux chambres des millions pour des travaux en mer, et on aura raison.

La commission administrative nommée par l’amirauté fit, le 7 août