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parce qu’il n’y en a pas un qui n’ait des armemens abusifs. La France, par exemple, entretient trois ou quatre cent mille hommes sous les armes ; la Russie, la Prusse, l’Autriche, en ont autant à proportion. Ces puissances ont armé à l’envi les unes des autres, parce qu’elles se craignent et s’intimident.

Donnons hautement, franchement, l’exemple de la confiance, et les autres nations qui gémissent sous les impôts seront heureuses de nous imiter. La détermination de la Grande-Bretagne exercera une influence incalculable. Il y a pour notre patrie en ce moment une mission glorieuse à remplir. Au lieu d’avoir, dans les capitales de l’Europe des ambassadeurs chargés de quereller les gouvernemens à propos de mariages entre jeunes filles et jeunes garçons de sang royal ou d’invitations à dîner, qu’elle emploie ses agens à tenir aux gouvernemens ce langage : « Tous, tant que nous sommes, nous suivons un système insensé. L’Angleterre et la France agrandissent leurs flottes à qui mieux mieux. La France, de plus, a augmenté son armée de terre, et les autres puissances continentales n’ont pas voulu rester en arrière. Le résultat de tous ces efforts est que nous restons relativement les uns aux autres dans la même position ; il n’y a de changement que dans la condition des populations qui sont plus misérables. Agissons désormais d’une manière plus conforme à la nature d’êtres intelligens. Au lieu d’augmenter notre état militaire au prorata les uns des autres, réduisons-le proportionnellement. Les situations relatives seront les mêmes ; mais : nous aurons atténué les charges de nos populations respectives, et, si la fatalité voulait qu’un jour nous eussions la guerre, nous aurions mieux les moyens de la soutenir. »

Chez nous, la discussion politique en ce moment est hors des voies. Elle se réduit à des questions de personnes, qui sont devenues excessivement irritantes, ou à des questions de politique spéculative sur l’adjonction des capacités aux listes électorales, ou sur les incompatibilités parlementaires, qui, je le confesse, me paraissent de peu d’intérêt, parce que, quelque solution qu’elles reçoivent, le char de l’état restera toujours dans la même ornière. Il y aura vingt mille électeurs de plus ou de moins sur les listes, vingt ou trente fonctionnaires ou officiers de la liste civile de plus ou de moins dans la chambre élective ; mais l’esprit de la chambre restera toujours ce qu’il était, et nos lois seront faites comme devant. Quant à l’intérêt public, il est en dehors du débat, on n’y pense plus. Cette absence de sens public dans la polémique quotidienne explique le peu d’attention que la lettre de lord Wellington a excitée chez nous, et la petite place que tous nos journaux lui ont faite. Si la politique n’avait pas déraillé ainsi, on en aurait pris plus de souci, car c’est bien aussi grave que les discours des banquets réformistes.

La lettre de lord Wellington peut être considérée comme une réponse à la Note de M. le prince de Joinville, et particulièrement au passage que j’en ai cité. Le vieux feld-maréchal a pris trois ans pour