Mais l’homme n’est pas tout entier dans le cœur et l’imagination. Il veut comprendre, et, même quand il s’incline devant un mystère, sa raison demande à le définir. Le Christ est Dieu et homme tout ensemble ; fils de l’homme, il a souffert, il a péri sur la croix ; fils de Dieu, il a vaincu la mort pour retourner à son père. Or, comment est-il à la fois fils de l’homme et fils de Dieu ? Est-il fils de Dieu à la manière des créatures ? Non ; il est fils unique de Dieu, il est Dieu lui-même. Mais quoi ! Le fils n’est-il point distinct du père ? ne lui est-il pas inférieur ? Comment en est-il engendré ? dans le temps ou dans l’éternité ? D’un autre côté, le Christ est aussi fils de l’homme ; or, son corps seul est-il humain ou a-t-il aussi une ame comme la nôtre ? La nature divine s’unit-elle à la nature humaine tout entière ou seulement à une partie ? Ces deux natures restent-elles distinctes dans leur union ? Y a-t-il aussi deux personnes dans le Christ ou une seule ? S’il y a deux personnes, où est l’union des natures ? S’il y a deux natures, comment n’y aurait-il pas deux personnes ?
Ces questions feront peut-être sourire les esprits positifs de notre temps ; elles paraîtront subtiles et surannées ; mais il est incontestable qu’elles devaient nécessairement se poser dans toute intelligence élevée, pour peu qu’elle fût avide, en confessant l’homme-Dieu, de se rendre compte de sa foi. Je dirai plus : ce n’est qu’à la condition que ces questions fussent posées, méditées, débattues, que le christianisme pouvait se développer, produire dans le dogme toutes ses conséquences et dans la pratique porter tous ses fruits.
Or, où trouver la solution de ces problèmes ? Dans les Évangiles ? Elle n’y est pas. Je prie qu’on m’entende bien. Si on veut dire qu’elle y est en germe, je le crois fermement ; mais y est-elle d’une manière explicite ? Non. On respire, pour ainsi parler, dans tout l’Évangile la croyance à la divinité de Jésus-Christ ; mais les distinctions nécessaires, mais les définitions précises, il n’y a rien de tout cela, et tout cela est profondément contraire à la simplicité naïve de ces antiques monumens. La solution des difficultés est-elle dans les apôtres, dans les épîtres de saint Jean ou de saint Paul ? est-elle dans les premiers pères, dans saint Clément de Rome, saint Hermas ou saint Irénée ? Ici, vous trouverez sans doute des indications plus précises. La philosophie chrétienne se développe et s’organise ; les questions se posent, se divisent, se résolvent partiellement ; toutefois, si les doctrines sont plus explicites, en retour elles sont moins concordantes. Je répète que je ne dis rien ici de hasardé, rien qui ne puisse être également reconnu par les opinions les plus contraires : je me borne à affirmer que, dans les premiers siècles de l’église, ni les problèmes qui naturellement s’élèvent, dans tout esprit qui pense, touchant la divinité de Jésus-Christ, n’étaient posés dans toutes leurs difficultés, dans leurs mille profondeurs et leurs mille replis,