nom du ciel ! s’écria Clémentine entraînée par un mouvement involontaire d’inquiétude et d’effroi.
— Il est possible que le chemin soit mauvais à la descente de la montagne ; en ce cas, monsieur, vous devriez passer la nuit ici, dit simplement Mme de Barjavel.
Mlle de Saint-Elphège, les yeux baissés sur son assiette d’argent, se dispensait de prendre part à cette espèce de débat en feignant de savourer quelques cuillerée de blanc-manger aux pignons.
— Agréez mes remerciemens, monsieur le marquis, je ne puis accepter l’hospitalité que vous me faites l’honneur de m’offrir, dit M. de Champguérin en observant avec quelque inquiétude la contenance de la vieille fille ; je pars, bien persuadé que je ne courrai aucun danger ce soir.
— En ce cas, Dieu vous garde et à demain, répondit le marquis en se levant pour faire sa révérence au hardi cavalier qui allait se risquer, par une nuit si noire dans les sentiers noyés de la vallée.
La Graponnière reconduisit M. de Champguérin jusqu’à la grande cour pour lui tenir l’étrier. Lorsque gentilhomme fût partit il fit fermer les portes en sa présence, et alla ensuite, selon l’usage, déposer les clés au chevet de son maître. Chacun se retirait, déjà la baronne et Clémentine avaient gagné l’escalier, lorsque Mlle de Saint-Elphège, au lieu de les suivre, revint sur ses pas. Au moment où le marquis rentrait dans sa chambre, elle le rejoignit et lui dit à demi-voix
— Mon oncle, il faut que je vous parle de choses importantes et secrètes je vous supplie de m’entendre ce soir même.
— Qu’est-il donc arrivé, ma nièce ? Et le marquis en s’arrêtant étonné ; vous me demandez une audience particulière ? je vous l’accorde venez me trouver dans une heure. Çà, ajouta-t-il en entrant dans sa chambre, qu’on m’accommode promptement pour me mettre au lit. Et toi, mon vieux La Graponnière dépêche-toi de dire ma oraisons, je suis pressé.
Il y avait longues années que l’écuyer de main accomplissait ainsi les pratiques religieuses de son maître et priait Dieu à sa place. Il alla s’agenouiller dans la ruelle et marmotta ses patenôtres devant le bénitier, tandis que deux ou trois valets de chambre déshabillaient le vieux seigneur et disposaient tout pour son coucher.
Une heure plus tard, Mlle de Saint-Elphège entrait sans bruit dans la chambre de son oncle. Toute autre personne moins accoutumée à la vue du vieux sire de Farnoux aurait été singulièrement frappée du tableau qui s’offrit à ses regards, lorsqu’elle pénétra dans cette vaste pièce.
Le marquis était assis plutôt que couché dans l’immense lit à baldaquin placé sur une estrade au fond de la chambre. Il avait quitté la