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de résine qui laissait voir sa chevelure grisonnante et les traits anguleux de son visage, on n’eût pu reconnaître en lui l’homme arrivé aux confins de la vieillesse, tant ses membres nerveux semblaient conserver de jeunesse et de vigueur.

— Eh bien ? dis-je à Desiderio.

— Cet homme, me dit-il, n’est pas étranger à l’histoire de la main coupée que vous regardiez avec tant de curiosité ce matin, et, quoique je sache cette histoire aussi bien que lui, peut-être dans sa bouche aurait-elle plus d’intérêt pour vous, car son fils s’y est trouvé mêlé.

Je crus une fois encore avoir trouvé l’occasion d’écarter Desiderio, sous le prétexte que le vieillard serait plus expansif, s’il n’avait qu’un seul auditeur pour ses confidences. Cette fois, Desiderio ne se méprit pas sur mon intention secrète. — Je ne suis ni querelleur ni susceptible, me dit-il, je m’en vante, mais votre seigneurie est par trop empressée à se débarrasser de son dévoué serviteur. — Je me hâtai de protester contre l’interprétation donnée à mes paroles, et Fuentes parut se calmer. — Allons ! dit-il d’un air railleur, je renoncerai, pour vous être agréable, au désir que j’avais eu tout d’abord de vous servir de guide dans ces souterrains. Aussi bien, il faut que je sache le secret de la comédie jouée tantôt par Planillas sur le cadavre de sa mule. Vous pourrez visiter la mine sans moi, et je vous conterai ce que j’aurai appris sur ce drôle à votre sortie par le grand puits, car, pour être complète, votre excursion doit s’achever à l’aide du malacate.

J’avais tellement hâte de congédier Fuentes, que je promis tout ce qu’il voulut, sans remarquer le sourire ironique par lequel il accueillit ma réponse. En ce moment, le vieux mineur venait d’achever sa prière. Fuentes échangea avec lui quelques mots à voix basse et s’éloigna rapidement ; je respirai.

— Seigneur cavalier, me dit le vieux mineur, mon compagnon Fuentes vient de me faire part de votre désir d’entendre de ma bouche l’histoire de mon fils, de celui qui a été l’orgueil de la corporation des mineurs, ce désir m’honore, mais, pour le moment, je ne puis le satisfaire. J’ai à mettre le feu à la mine dont je viens de charger le boyau ; si donc, dans deux heures, je suis encore de ce monde, je me mettrai tout à votre disposition, car j’aime les braves, de quelque nation qu’ils soient.

— Et qui vous a dit que je fusse brave ? lui demandai-je étonné.

Caramba ! un homme qui visite une mine pour la première fois, et qui, au dire de Fuentes, a le plus vif désir de faire la périlleuse ascension du tiro ! Eh bien ! nous la ferons ensemble, et en même temps je vous raconterai mon histoire ; je vous donne donc rendez-vous dans deux heures, au fond de la dernière galerie, à l’entrée du grand puits.

Je ne pouvais guère reculer devant un si pompeux éloge, mais ce