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Le sage même, épris des luttes qu’il surmonte,
T’appelle une douleur et le riche une honte ;
Eh bien ! moi, je te nomme un vrai présent du ciel !
Non ! la haine en ton sein ne cuve pas son fiel.
O mère des grands cœurs, nourrice aux flancs robustes,
Dieu te donne à former les voyans et les justes,
Et tu leur fais goûter, dans l’ombre où tu te plais,
Ces fortes voluptés qui n’énervent jamais.

Salut, rustiques murs qu’on revoit avec larmes,
Où pendent des aïeux les outils et les armes !
Pain noir que la fatigue a rendu savoureux,
Et que les fils gaîment se partagent entre eux !
Compagne du travail jusqu’à l’aube prochaine,
Lampe de fer veillant sur la table de chêne !
Simple vase de terre où reste frais long-temps
Le rameau de lilas, premier don du printemps !
Livres jaunis rangés en ordre sur la planche !
Antique cheminée où le soir on s’épanche,
Place où le fils rassure, en lui prenant la main,
La mère, hélas ! qui songe au pain du lendemain !
Ah ! souvent quels festins apportés par les anges,
Entre l’homme et le ciel ! quels radieux échanges
Quel royaume inconnu des princes et des rois
L’esprit d’en haut nous fait entre ces murs étroits !

Humble renoncement fertile en pures joies,
Nul n’arrive au repos qu’en marchant sur tes voies ;
Par toi seul le désir, conservant tout son feu,
Vole à travers ce monde et va droit jusqu’à Dieu.
Ta main seule du cœur tend la plus noble fibre ;
Qui refuse ton joug ne veut pas être libre,
Et nul n’aime son frère en toute charité
S’il ne te chérit pas, divine pauvreté !
Heureux qui te choisit pour maîtresse et pour guide !
Tu réserves son cœur au seul trésor solide.
Le riche, en ses ennuis languissamment couché,
N’est qu’un pâle captif à son or attaché.
Mais l’ame de tes fils, plus ardente et plus tendre,
Sur les ailes de tout est prompte à se répandre ;
Elle s’en va flotter sur les soleils levans,
Sous les chênes sacrés fait ses palais vivans,