des guerres et des grands événemens devait naturellement se ressentir de son origine. Ce n’est guère que lorsque ses illustres poètes commençaient à s’éteindre que la société anglaise a cherché au théâtre et dans les lettres des élémens de distraction plus vulgaires et plus frivoles. De là la renaissance du genre populaire proprement dit, dont Tom and Jerry offrait le type. On se ferait difficilement une idée de la vogue qu’eut cette pièce, remarquable du reste uniquement parce qu’elle mettait en scène tout ce que le luxe de Londres cachait de misère et de vice. Depuis les ducs jusqu’aux décrotteurs, tout le monde allait l’applaudir, et, dans la foule qui encombrait les abords du théâtre, ce n’était pas chose rare que de voir des pairs du royaume disputer l’entrée aux gamins de la rue. Les places se vendaient plusieurs semaines à l’avance ; les habitans des provinces accouraient en poste pour passer quelques heures à l’Adelphi ; plus d’une fois, cinq guinées furent données pour une stalle ; le lord grand-chambellan, que les saints avaient supplié d’intervenir afin de supprimer la pièce, vint la voir, et, le lendemain, y retourna avec sa femme. Chose inouie ! le duc de York, frère du roi, l’héritier présomptif du trône, alla jusqu’à commander, pour son plus grand plaisir, une représentation de Tom and Jerry. C’était plus qu’un succès, c’était un événement, événement dont les traces subsistent encore.
De ce jour, le slang, la langue de Tom and Jerry, devint en quelque sorte la langue des clubs et des salons, et nous ne serions pas fort en peine de citer plus d’une belle lady qui, entre amis, et après dîner, parlait argot comme pas un. On a bien crié contre la cigarette de nos lionnes ; Dieu sait toutes les invectives que le plus mignon pajito inspire à une Anglaise comme il faut ; mais, s’il fallait choisir des deux, je ne sais si la fumée du cigare ne vaudrait pas mieux que ces mots ignobles et hideux qui, en s’échappant de la bouche d’une femme, vous rappellent la souris rouge sur les lèvres de Marguerite. Quoi qu’il en soit, voilà tantôt vingt-cinq ans que l’élément populaire, dans ce qu’il a de moins poétique et de plus cru, fait le fond d’une très grande partie de la littérature anglaise. Ce qu’il y a de pis, c’est que le genre même souffre aisément la médiocrité, laquelle par conséquent ne se fait pas faute de l’envahir. De là le succès étourdissant de tant d’écrivains de troisième ordre ; de là aussi la persistance de certains talens appelés à mieux faire dans une voie des plus vulgaires et des plus fausses. Gay, lui au moins, s’en est tiré en homme d’esprit et en esprit fort ; il s’est moqué de tout avec finesse, il a tout critiqué avec force. « Remarquez bien, dit dans l’épilogue du Beggars’ Opera un gueux à un comédien, que dans cette pièce on voit une telle ressemblance entre les mœurs du grand monde et celles du carrefour (high life and low life), qu’il est difficile de dire si, dans les vices fashionables, les grands seigneurs imitent