Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 21.djvu/953

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que se limiterait le désappointement des libéraux. En 1846, l’obstination du sénat avait encore un point d’appui dans la chambre des représentans. Quand il refusait, même en face de la réaction manifeste et constatée des collèges électoraux contre l’influence dominante dans les deux chambres, d’avancer le terme normal de cette influence, le roi ne semblait à la rigueur que proclamer la préséance officielle du parlement sur les associations, du fait légal sur le fait extra-légal. On pouvait contester l’opportunité, mais non la légitimité de ses scrupules. Aujourd’hui rien de pareil. Ce n’était plus entre le parlement et les associations que le roi se trouvait mis en demeure de décider, mais bien entre deux parties intégrantes du parlement, entre la chambre des représentans et le sénat, entre une majorité reflétant le vœu actuel, immédiat du pays et une majorité notoirement hostile à ce voeu. A droits égaux, la première de ces majorités, qui puisait dans l’assentiment national des garanties incontestables de durée, méritait naturellement la préférence sur la seconde, qu’un fait accidentel, la lenteur relative de ses renouvellemens périodiques, protégeait seul encore contre une transformation inévitable et prochaine. La simple neutralité équivalait ici, de la part de la couronne, à un parti pris d’agression. Qu’allait-il sortir de cette situation tendue ? L’ancienne gauche avait accepté les réserves faites par M. Rogier en faveur du pouvoir royal ; mais, du moment où il serait démontré que celui-ci n’aurait pactisé avec le libéralisme qu’à contre-cœur, persisterait-elle à vouloir renforcer une influence désormais suspecte ? Il y avait là le germe d’une scission bien autrement dangereuse pour la dynastie que celle qui a divisé de 1831 à 1840 les deux groupes libéraux.

Ce danger résultait de l’intervention subite de l’élément républicain. Depuis que M. Verhaegen et ses amis se sont séparés de l’Alliance pour se rapprocher plus intimement du libéralisme gouvernemental, la jeune Belgique, dégagée de tout ménagement, s’est ouvertement organisée dans ce club et dans celui du Trou. Elle a déjà des ramifications à Anvers, à Liège, à Gand, à Verviers, et s’empare ainsi peu à peu, dans les principaux centres de population, de ces républicains déclassés qui, faute d’un milieu naturel, s’étaient jusqu’à présent disséminés dans les différentes associations libérales. La jeune Belgique s’est partagée, à son début, en exaltés et en modérés. Les premiers ont pour organe le Débat social, rédigé par M. Bartels, sorte de Danton d’estaminet, qui, comme orateur et comme écrivain, ne manque pas d’une certaine fougue entraînante. Le communisme est le premier mot du Débat social ; M. Bartels, qui dédaigne souverainement la pruderie mesquine des pharisiens du parti, ôte sans façon à l’armée ses grades, à la noblesse ses titres, à la monarchie sa tête, à la bourgeoisie ses chapeaux. Le délire n’est pas contagieux, et les républicains pratiques de l’Alliance ont publiquement