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à détrôner l’empereur Paléologue, il perdait la moitié de ses états, et la Sicile le rejetait pour se donner au roi d’Aragon.

Les vêpres siciliennes, qui servent de dénoûment dramatique à l’ouvrage de M. de Saint-Priest, lui ont offert l’occasion de commencer son douzième livre par la description de cette île célèbre sur laquelle aujourd’hui l’Europe a les yeux fixés. Le ton de ces pages descriptives est chaud, le coloris en est brillant. Messine fait un complet contraste avec Palerme ; dans Messine, ville de plaisir et de commerce, affluaient les trafiquans étrangers, les pirates et les courtisanes, tandis que Palerme était la résidence des rois : même aujourd’hui, comme le remarque M. de Saint-Priest, cette cité n’a pas oublié qu’au temps des Guillaume et des Roger elle était la métropole du royaume. C’est d’un habile écrivain d’avoir rajeuni le sujet si connu des vêpres siciliennes par un judicieux emploi de la critique. M. de Saint-Priest a rapproché les versions différentes que les Italiens nous ont données de cette catastrophe, et, après en avoir indiqué les contradictions, il a ramené les faits à la vraisemblance, à la vérité historique avec beaucoup d’impartialité. En apprenant la révolution de Palerme, Charles d’Anjou s’écria : « Seigneur mon Dieu ! vous qui m’avez élevé si haut, si vous voulez m’abattre, faites au moins que ma chute soit lente et que je descende pas à pas. » A cette prière du chrétien qui s’humilie succéda l’élan d’une colère que vint enflammer encore la nouvelle du soulèvement de Messine. C’est sur cette dernière ville que le roi de Naples tourna sa vengeance et toutes les forces qu’il destinait à la conquête de Constantinople. Il ne s’écoula que trois ans entre les vêpres siciliennes et la mort de Charles d’Anjou, qui n’eut plus que des revers. Il échoua devant Messine ; il ne put empêcher le roi d’Aragon de débarquer en Sicile et d’en prendre possession ; ses flottes furent battues ; son fils aîné, le prince de Salerne, fut fait prisonnier. Cependant, sans se résigner à ces rigueurs de la fortune, il méditait de nouveaux efforts, quand une fièvre l’emporta. Après avoir enseveli le fondateur de la dynastie angevine, M. de Saint-Priest clôt son livre par une conclusion de quelques pages où il jette un regard, tant sur Naples que sur la Sicile, pour les temps qui suivirent la mort de son héros. Dans cette fin, peut-être un peu brusquée, nous trouvons quelques aperçus ingénieux sur la Sicile, qui est restée trop poétique, s’il faut en croire M. de Saint-Priest, et à laquelle il souhaite, dans les vicissitudes auxquelles elle peut être réservée, de ne devenir jamais « une Malte agrandie. »

En terminant la lecture du remarquable ouvrage de M. de Saint-Priest, nous avons éprouvé une impression que donnent rarement les productions contemporaines, le regret de ne pas trouver le livre plus long. Nous eussions voulu, comme nous l’avons déjà fait pressentir, que l’écrivain ne se fût pas contenté de consacrer quelques lignes à