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de février 1848. Si l’égalité y gagne, nous espérons que la liberté n’y perdra rien.

Au point de vue social, nous l’affirmons, il importe plus que jamais de fortifier, de maintenir les grands principes qui ont été la base de toutes les sociétés humaines, et qui les ont faites d’autant plus grandes et prospères qu’ils avaient été mieux connus et pratiqués, c’est-à-dire de consolider la famille et de respecter l’hérédité, le droit d’adoption, de testament, de faire une large part à la liberté individuelle et de ne pas courber tous les hommes sous le joug uniforme de l’association.

Cependant, comme il importe que les droits de la famille ne deviennent point exclusifs, que la nécessité de l’héritage n’engendre pas le privilège et l’oisiveté, et que, pour obvier au désordre, on ne crée pas l’asservissement, la révolution de 1848 devra développer l’œuvre de ses deux sœurs aînées, et hâter, loin de la ralentir, la circulation de la propriété. La classe qui possède aujourd’hui est fille des déshérités de l’ancien régime ; elle est arrivée par le travail de ses derniers auteurs, par le sien surtout, à la position qu’elle occupe. Que la nouvelle société retranche de l’hérédité tout ce qui, sans être nécessaire pour le développement de l’activité et le maintien de l’ordre, rendrait cette ascension : des classes les plus pauvres moins facile et moins prompte, qu’elle accélère le mouvement plus encore que ne l’ont fait les gouvernemens écroulés hier, qu’elle rende plus soudaines et plus exemplaires ces chutes et ces élévations, fruits de la liberté, leçons pour la responsabilité individuelle, et vous n’aurez plus à redouter ces agglomérations iniques des instrumens de travail, car l’oisiveté deviendra de plus en plus impossible ; l’hérédité ne sera plus que ce qu’elle doit être, un stimulant et une garantie, et vous n’aurez pas besoin, pour ramener le règne de la justice sur la terre, de la condamner à l’immobilité, au silence, au despotisme ou à la barbarie.

Comme il importe également que l’individualisme. c’est-à-dire la concurrence, n’entraîne pas l’exploitation du faible parle fort, la déperdition de ressources immenses dans l’intérêt d’un antagonisme à outrance qui ne profite à personne ; comme il importe surtout que le gouvernement républicain garantisse à tous les citoyens non le travail et la vie (le travail et la vie sont fils de la paix et de l’ordre, toute forme de société les donne, même la plus tyrannique, pourvu que la société soit riche), mais assure à chacun le libre exercice de ses facultés, et le défende contre l’abus de la force, il faut opposer de nouvelles barrières aux envahissemens de l’individualisme, et de nouveaux remèdes aux excès de la concurrence.

Sur ce point encore, nous avons seulement à développer les germes que le travail des siècles a fait éclore ; leur œuvre n’est point à interrompre, mais à féconder.