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mêmes et cessent de tirer. L’officier commandant propose la vie aux survivans.

— Rendez-vous ! rendez-vous ! crient mille voix.

— Non, dit le chasseur de Stofflet, tuez-moi !

Une balle lui répond ; il tombe en disant :

— Je meurs pour le Dieu qui est mort pour moi !

Sublime folie qui vous touche et qui vous indigne à la fois ! Des deux côtés, c’était la foi qui chargeait les armes, c’était l’amour de la liberté qui faisait mourir. La haine était surtout un malentendu.

Là finit ce combat prolongé pendant un jour entier. Des échelles furent dressées, et les bleus aidèrent leurs prisonnières à descendre. En voyant ces femmes demi-nues et égarées de désespoir, les plus durs se sentirent émus. Quelques soldats jetèrent leurs manteaux sur les épaules de ces pauvres filles, qui à cette marque de bonté fondirent en larmes. On les conduisit à Chemillé, où elles demeurèrent jusqu’à la pacification.

La lutte entre les idées était désormais finie ; Dieu avait décidé. La grande Vendée, la seule qui ait eu un caractère héroïque et populaire, venait de s’engloutir comme Maurice dans les flammes du clocher de Chanzeaux. Les dragons de la république semblaient emporter dans leurs manteaux, avec ces femmes veuves et désolées, le symbole même du passé. La tradition antique était vaincue, et la France appartenait pour toujours à l’esprit nouveau.


ÉMILE SOUVESTRE.