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avec deux personnages une action qui convenait plutôt à la peinture ou au drame qu’à la sculpture. Sainte Geneviève, patronne de Paris, désarme Attila par ses prières et sauve la ville. La physionomie de l’Attila de M. Maindron exprime cette secrète et invincible terreur qui a dû précéder sa fuite ; mais l’attitude de la sainte manque de dignité : nous l’aurions voulue plus menaçante ou plus convaincue. La reproduction, par trop scrupuleuse, des détails de l’ajustement de Geneviève et de l’armure du roi des Huns donne aux deux personnages un aspect de réalité qui convient peu à la statuaire épique. Se préoccuper à ce point des accessoires et leur donner cette importance, c’est faire retourner la statuaire à cette époque où elle n’avait pu briser encore sa gothique enveloppe. Le groupe de M. Maindron ne nous rappelle-t-il pas en effet, sur des proportions colossales et avec une science d’exécution supérieure, ces sculptures dont les artistes du XIVe siècle décoraient l’abside des cathédrales ? Peignez les chairs, rehaussez de couleurs éclatantes ces détails de vêtemens, et l’analogie sera frappante.

Nous pourrions appliquer les mêmes critiques à la Vierge-mère que M. Bonnassieux a exécutée en marbre pour l’église de Feurs. Il y a là une réminiscence du goût gothique par trop prononcée, mais qui néanmoins convient mieux au sujet. La Vierge est embéguinée dans un immense morceau d’étoffe qui l’enveloppe de la tête aux pieds, et que l’artiste a orné sur le bord d’une broderie d’or et d’une grecque azurée. Cette statue doit être sans doute placée dans une niche et vue de face ; nous ne pourrions autrement nous expliquer ce bizarre ajustement, qui la fait ressembler à un long et informe paquet quand on la voit de dos. La tête de la Vierge est pleine de distinction et de naïveté, les mains sont délicates, et l’enfant nu que la Vierge, sa mère, tient dans ses bras est traité avec ce talent simple et naturel, avec cette conscience que M. Bonnassieux apporte à ses moindres ouvrages.

Trois statues en marbre, de dimension colossale, qui avaient été commandées pour le jardin du Luxembourg par l’ancienne administration, figurent à l’exposition de cette année ; ce sont celles des deux reines Berthe et Bathilde et la statue de Mlle de Montpensier. La Reine Berthe, mère de Charlemagne, de M. Oudiné, est le meilleur, nous devrions dire le moins faible de ces trois ouvrages. C’est un travail sagement conçu, soigneusement exécuté, mais qui manque un peu d’accent. M. Oudiné s’est préoccupé beaucoup trop du détail et pas assez de l’ensemble. L’ensemble bien compris, c’est le mouvement, c’est la tournure, c’est la vie. La Reine Berthe de M. Oudiné a un noble visage, de belles mains ; elle porte fièrement la tête, et cependant elle ne vit pas.

Nous en dirons autant de la Reine Bathilde, femme de Clovis II, de Thérasse. On comprend que cette personne, quelque haute et puissante qu’elle ait pu être au vase siècle, doive fort peu nous intéresser.