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dont la division donne au loin une teinte laiteuse aux flots : les cailloux siliceux restent entiers tant qu’ils sont immobiles ; mais, roulés sur le fond et frottés les uns contre les autres, ils s’émoussent, s’arrondissent, se réduisent à mesure qu’ils avancent, et chaque parcelle qu’ils perdent en chemin devient un grain de sable.

Les matières solides que les fluides tiennent en suspension se déposent avec plus ou moins de lenteur, suivant les degrés et de leur ténuité et de l’agitation des fluides, et, à densités égales, elles sont d’autant plus transportables par les courans, que leurs volumes sont moindres. La poussière impalpable de la marne et de la craie ne se précipite que par le calme. Le silex, au contraire, est lentement roulé par la mer dans ses oscillations diurnes, poussé par ondulations quand les vents fraîchissent, et violemment cinglé sur le rivage dans les tempêtes ; mais il cesse d’être le jouet des flots aussitôt que leur force vive s’amortit. C’est ainsi que se déposent, en vertu de lois non moins immuables que celles qui règlent le cours des corps célestes, ces digues de galets qui marquent sur chaque plage la zone où se sont affaissées les lames. On les retrouve au débouché de chaque vallée, large ou étroite : elles ferment entièrement celles dont le cours d’eau n’a pas la force de s’ouvrir un passage, elles laissent dans les autres un chenal que les eaux intérieures tiennent ouvert dans leur partie la plus faible ; mais, sur tout point de la côte où la mer mollit, il y a, sans aucune exception, dépôt de galets. Ces bourrelets sont remaniés par la mer jusqu’à ce qu’ils aient atteint par leur forme, leur consistance et leur masse, toute la stabilité dont ils sont susceptibles, et elle devient à la longue très grande. Les flots qui les heurtent finissent par leur donner naturellement la forme du maximum de résistance : c’est celle d’un talus courbe de sept de base pour un de hauteur. Leur consistance s’accroît par l’infiltration du sable et de la vase marneuse dans leurs interstices, et ils s’exhaussent graduellement au-dessus du niveau des plus hautes marées, puisque, dans les tempêtes, les lames, en déferlant, font voler à d’assez grandes distances le galet qu’elles fouettent, et mettent ainsi elles-mêmes hors de leur portée l’obstacle qui doit les arrêter. Comme enfin chaque coup de mer leur donne plus qu’il ne leur enlève, leur masse va croissant et n’atteint sa limite que par la rencontre de courans qui la rongent. Le premier effet de la formation d’un banc de galets sur une plage qui couvre et découvre à chaque marée est de procurer du calme aux eaux limoneuses qui pénètrent en arrière, et par conséquent de favoriser les attérissemens ; ceux-ci ne sauraient dépasser le niveau des eaux calmes, et le banc les protège à la manière des meilleures digues que sachent construire les hommes.

Il suit de ce qui précède que les masses de galets, de sable siliceux et de vase marneuse, qui marchent le long de la côte, s’alimentant des