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CHATEAUBRIAND


ET SES


MÉMOIRES.




Quelques mois avant la révolution de février, un petit groupe de six personnes, toujours les mêmes, se réunissait chaque matin chez M. de Chateaubriand. Quand le groupe était au complet, la porte se fermait, et, silencieux, recueillis, nous écoutions la lecture de ces Mémoires dont la publication devait être un deuil pour la France, car le jour où paraîtra le monument posthume, la France aura perdu le noble et fier génie, l’altissimo poeta qui depuis près d’un demi-siècle fait sa gloire et son orgueil, le monde aura vu disparaître la dernière, la plus belle peut-être de ces quatre grandes figures qui ont donné leur nom et leur empreinte à la littérature des âges nouveaux, Byron, Goethe, Walter Scott, Chateaubriand.

Cette sévère image de la mort qui apparaît au frontispice d’un livre dont la première page est une préface testamentaire avec l’épigraphe suivante tirée de Job : Sicut nubes… quasi naves… velut umbra ; cette voix harmonieuse et grave qui semble sortir du tombeau ; ces chants délicieux de jeunesse et d’amour entrecoupés parfois d’accens lugubres, comme ceux-ci par exemple : « Ceux qui seraient troublés par ces peintures se doivent souvenir qu’ils n’entendent que la voix d’un mort ;