Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 23.djvu/19

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que le remboursement même des fonds des caisses d’épargne. Les dépôts que fait, le pauvre dans ces caisses sont, en effet, pour lui un placement, une réserve, et non pas un moyen de travail. Ce fonds ne lui revient que par un long circuit, tandis que l’aliment de son activité, son instrument de travail, est le capital qui circule dans l’industrie. La disponibilité immédiate de l’un lui importe donc beaucoup moins que celle de l’autre. Il n’y aurait toutefois eu que de l’avantage à offrir aux créanciers des caisses d’épargne qui l’auraient souhaité les mêmes conditions qu’aux porteurs de bons du trésor, et à retenir leurs fonds par un accroissement du taux de l’intérêt. Cela était à la portée de tout le monde. Le gouvernement provisoire a préféré déclarer le 7 mars, AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS, que, de toutes les propriétés, la plus inviolable et la plus sacrée, c’est l’épargne du pauvre ;… que ce n’est point par des paroles, mais par des actes, que le gouvernement veut répondre à la confiance des créanciers de l’état ; que garantir la propriété que les travailleurs ont acquise à la sueur de hur front ne suffit pas, qu’il faut LUI DONNER UNE PLUS GRANDE VALEUR[1] et, le surlendemain de ces promesses, on a fait connaître que sur 355,087,717 francs déposés aux caisses d’épargne, il restait disponibles 65,703,620 francs, et que quant aux 286,348,097 francs restans, ils pourraient être remboursés partie en bons du trésor déjà frappés d’une énorme dépréciation, et partie en rentes 5 pour 100 au pair, quand le cours en était à 72[2]. Cette acception du mot rembourser n’est pas celle du Dictionnaire de l’Académie, et les travailleurs, charmés des paroles du 7 mars, ne comptaient probablement pas sur cette manière de donner une valeur plus grande à leur propriété. Cependant, à ne considérer la mesure que sous le point de vue financier, elle impose au trésor, par les ateliers nationaux, bien plus de charges que n en eut imposé le maintien du crédit des caisses d’épargne. Depuis que les sociétés sont constituées et que les hommes travaillent, l’année à ses temps de labeur et ses temps de repos, les ouvriers tiennent, aussi bien que les laboureurs, compte de la durée des jours et de la température des saisons.

Venturaeque hyemis memores, sestate laborem
Experiuntur…

Tel est l’ordre de la nature ; les travaux de l’été subviennent aux besoins de la morte saison ; les intermittences d’activité et de stagnation se compensent, et la caisse d’épargne est le réservoir qui reçoit ou qui donne suivant la prépondérance des ressources ou des besoins. Le discrédit que jette sur l’institution le décret du 9 mars est fait pour envoyer tel jour de l’année, sur la place publique, l’ouvrier qui, faute

  1. Arrêté du gouvernement provisoire. — Bulletin des Lois, n° 6,
  2. Décret du gouvernement provisoire du 9 mars, — Ibid., n° 8.