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A la voûte azurée du ciel je regardais heureux, durant de longues heures, jusqu’à ce qu’un voile de brume blanche me dérobât les yeux chers et doux.

Contre la cloison où s’appuie ma tête rêveuse viennent battre les vagues, les vagues furieuses ; elles bruissent et murmurent à mon oreille : « Pauvre fou ! ton bras est court et le ciel est loin, et les étoiles sont solidement fixées là-haut avec des clous d’or. — Vains désirs, vaines prières ! tu ferais mieux de t’endormir. »

Je rêvai d’une lande déserte, toute couverte d’une muette et blanche neige, et sous la neige blanche j’étais enterré et je dormais du froid sommeil de la mort.

Pourtant là-haut, de la sombre voûte du ciel, les étoiles, ces doux yeux de ma bien-aimée, contemplaient mon tombeau, et ces doux yeux brillaient d’une sérénité victorieuse et calme, mais pleine d’amour.

Le Calme.

La mer est calme. Le soleil reflète ses rayons dans l’eau, et sur la surface onduleuse et argentée le navire trace des sillons d’émeraude.

Le bosseman est couché sur le ventre, près du gouvernail, et ronfle légèrement. Près du grand mât, raccommodant des voiles, est accroupi le mousse goudronné.

Sa rougeur perce à travers la crasse de ses joues, sa large bouche est agitée de tressaillement nerveux, et il regarde çà et là tristement avec ses grands beaux yeux.

Car le capitaine se tient devant lui, tempête et jure et le traite de voleur : « Coquin ! tu m’as volé un hareng dans le tonneau ! »

La mer est calme. Un petit poisson monte à la surface de l’onde, chauffe sa petite tête au soleil et remue joyeusement l’eau avec sa petite queue.

Cependant, du haut des airs, la mouette fond sur le petit poisson, et, sa proie frétillant dans son bec, s’élève et plane dans l’azur du ciel.


Au fond de la mer.

J’étais couché sur le bordage du vaisseau et je regardais, les yeux rêveurs, dans le clair miroir de l’eau, et je plongeais mes regards de plus en plus avant, lorsqu’au fond de la mer j’aperçus, d’abord comme une brume crépusculaire, puis peu à peu, avec des couleurs plus distinctes, des coupoles et des tours, et enfin, éclairée par le soleil, toute une antique ville néerlandaise pleine de vie et de mouvement. Des hommes âgés, enveloppés de manteaux noirs, avec des fraises blanches et des chaînes d’honneur, de longues épées et de longues figures, se promènent sur la place, près de l’hôtel de ville, orné de dentelures et d’empereurs de pierre naïvement sculptés, avec leurs sceptres et leurs longues épées. Non loin de là, devant une file de maisons aux vitres brillantes, sous des tilleuls taillés en pyramides, se promènent, avec des frôlement soyeux, de jeunes femmes, de sveltes beautés dont les visages de rose sortent décemment de leurs coiffes noires et dont les cheveux blonds ruissellent en boucles d’or. Une foule de beaux cavaliers costumés à l’espagnole se pavanent près d’elles et leur lancent des œillades. Des matrones vêtues de