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et de mort inventé par le mauvais génie de la république, pour reprendre autant que possible les traditions fécondes du passé, on peut encore espérer de voir la France guérir promptement ses plaies. Elle a supporté, lors des invasions de 1814 et de 1815, de plus grandes crises sans périr. Pourquoi faut-il que les premières mesures de M. Goudchaux n’aient pas compléteraient répondu aux espérances que sa nomination a fait naître ? Le remboursement immédiat des caisses d’épargne et des bons du trésor en rentes au cours était un premier pas dans la bonne voie ; le taux arbitraire et excessif fixé par l’assemblée, d’accord avec le ministre, a été un brusque retour en arrière qui a arrêté immédiatement l’élan renaissant du crédit public. Le maintien de l’impôt sur les créances hypothécaires, la proposition du nouveau tarif des droits de succession, sont des symptômes non moins inquiétans. Tant que le nouveau ministre des finances conservera quelque chose de commun avec son prédécesseur, les finances publiques et les affaires privées resteront dans l’état de compression où les avait laissées M. Duclerc. Rien ne serait plus fâcheux que de voir M. Goudchaux manquer ainsi à sa fortune, car le pays ne demande pas mieux que d’avoir pleine confiance en lui, il le lui a prouvé. Que M. Goudchaux se décide donc à être lui-même, qu’il repousse cette solidarité qui l’accable, et tout changera bien vite de face. Maintenant que l’ordre des rues paraît assuré, c’est le rétablissement de l’ordre financier qui est le premier intérêt de l’état. Que la France change son gouvernement tant qu’elle voudra, mais qu’elle maintienne ses finances.


AFFAIRES D’ITALIE.

Après bien des délais et des tergiversations, Venise s’est enfin prononcée pour l’union de l’Italie septentrionale, et a joint son adhésion à celle des provinces de terre ferme. On sait que les comitats de Trévise, Padoue, Vicence et Rovigo avaient, à la fin de mai, décrété, à l’unanimité des votes, leur réunion à la couronne de Savoie, peu de jours avant de retomber au pouvoir des Autrichiens. Plaise à Dieu qu’il n’en soit pas de même de la métropole, et que la tardive décision qu’elle vient de prendre ne soit pas également impuissante à la préserver du retour des étrangers ! Les Vénitiens, en ce cas, n’en pourront accuser qu’eux-mêmes. Pendant trois mois, alors que le salut de la patrie commune ne réclamait rien moins que les efforts combinés de toutes les parties de l’Italie, tandis que le devoir de chaque citoyen était de prendre les armes, de se ranger sous les drapeaux du roi de Piémont, proclamé d’enthousiasme le champion de l’Italie, et de mettre de côté, au moins jusqu’après la victoire, toute autre préoccupation, toute autre pensée que celle de l’expulsion des étrangers, Venise, sur la foi de quelques lettrés, amateurs d’archaïsme et exhumant des souvenirs restés chers à la foule inintelligente, a joué nous ne savons plus quelle parade républicaine, dans laquelle une manière de doge, en frac et en chapeau rond, ô Véronèse ! a dû s’étonner fort de se voir à la tête d’une république démocratique. Au lieu de lever des troupes, d’amasser de l’argent et des munitions, on s’est occupé à remettre sur ses pieds le vieux lion de Saint-Marc, et, par un mélange incohérent, la Sérénissime a décrété une assemblée nationale élue par le suffrage universel dans Venise et sa banlieue de lagunes sur le pied d’un député par quinze cents âmes. Toutes ces pantalonnades, qui ne couvraient