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par divers amendement qui ont été successivement rejetés par la chambre. À la suite de cet échec, MM. Baibo, Sclopis, Pareto, Ricci et leurs collègues ont déposé leurs portefeuilles. Leurs successeurs ne sont point encore officiellement désignés. Une liste dans laquelle entrerait le comte Casati, de Milan ; le marquis de Brignole-Sales, ambassadeur de Sardaigne à Paris ; le comte de Cavour, etc., a été présentée ; mais, jusqu’à ce que les relations entre les nouvelles et les anciennes provinces de la monarchie soient réglées et que les Vénitiens et les Lombards puissent prendre part aux affaires avec les Piémontais, toute combinaison ministérielle sera transitoire. On a accusé le cabinet Balbo de manquer d’homogénéité ; d’ici à long-temps ses successeurs seront probablement plus que lui en butte à ce reproche.

Le ministère Balbo, formé sous une inspiration libérale, ainsi que l’indiquait le choix de son chef, a eu le malheur d’être renversé par l’opposition libérale, et sur une question qui semblait ne devoir être que le couronnement de la politique soutenue par l’auteur des Speranze d’Italia long-temps avant qu’il espérât d’arriver au pouvoir. Il est évident qu’en combattant le mode d’annexion proposé par les Lombards, les ministres ne voulaient qu’assurer à la couronne de justes garanties contre les prétentions républicaines qui se sont produites à Milan et à Venise, et qui sans doute créeront de graves embarras, lorsque la présence des Autrichiens ne sera plus pour elles un frein. Malheureusement, à ces motifs dictés par une haute prudence se sont ajoutées des considérations d’un ordre moins élevé, et le cabinet a eu le tort de compliquer la question d’un incident dans lequel il a paru prendre en main la cause d’une coterie aristocratique et se faire le champion d’un intérêt de clocher. Turin veut rester capitale. Dans le petit état du Piémont, Turin, jusqu’à ce jour, offrait comme une réduction de Versailles. La constitution aristocratique, l’influence du clergé, y avaient conservé toutes les vieilles formes et les traditions disparues de la plupart des monarchies de l’Europe, et que la royauté de l’Italie septentrionale doit pour toujours abdiquer, si elle veut se mettre en accord avec l’esprit des institutions constitutionnelles et aussi avec les mœurs libérales de ses nouveaux sujets de Lombardie. Les Turinois, cependant, tiennent par-dessus tout à avoir chez eux la cour. Que Charles-Albert condescende au désir de ses sujets, qu’il fixe sa résidence personnelle à Turin, lorsque son gouvernement sera assis sur des bases solides, lorsqu’une centralisation vigoureuse aura relié les élémens encore bien désunis de son nouveau royaume, il n’y aura peut-être pas là d’inconvéniens graves : un roi constitutionnel peut bien ne pas résider ; mais, outre que la prétention élevée par les Turinois est assez intempestive dans un moment où l’existence du royaume de l’Italie septentrionale n’est rien moins qu’assuré, elle est tout-à-fait inadmissible en ce qui concerne le siège effectif du gouvernement et le centre de l’administration. Milan seul peut, par sa position centrale, par son importance et ses richesses, tenir la balance égale entre Venise et Gènes, entre le Piémont et les grands duchés de la rive droite du Pô, désormais réunis. Les raisons qui militent en faveur de cette opinion sont trop évidentes pour n’avoir pas frappé les esprits même les plus prévenus ; aussi la majorité du parlement piémontais leur a-t-elle donné gain de cause. Toutefois, il faut le reconnaître, la minorité s’appuyait sur un sentiment de jour en jour plus prononcé en Piémont, et que les événemens ne justifient que