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marcher et pourrait bien plutôt témoigner quelque jour, d’une manière violente, sa répugnance à l’endroit des idées libérales trop avancées.

Les élections de Toscane n’ont pas amené à la chambre un seul républicain. Le peuple de ce pays, qu’on avait bien pu émouvoir par la haine de l’oppression étrangère, a montré une grande indifférence pour l’exercice de ses droits électoraux. Les Toscans, sauf les tracasseries d’une police à l’autrichienne, jouissaient avant la réforme d’une dose de liberté et de bien-être plus que suffisante pour qu’il ne leur semble pas maintenant superflu de faire défendre leurs droits par des mandataires. Leur mandataire, disent-ils, c’est Léopold, et la plupart, très satisfaits de la façon dont le grand-duc a défendu jusqu’ici ces droits, qu’ils ne comprennent pas, et protégé leurs doux loisirs, qu’ils comprennent beaucoup mieux, la plupart ont inscrit sur leurs bulletins le nom de ce prince, qui est en effet un modèle de bonté paternelle. On peut juger, d’après ce fait, de l’appui que trouveraient en Toscane les partisans de la république ou les albertistes, autre espèce d’unitaires qui prétendent à la réunion de toute la péninsule sous le sceptre de Charles-Albert. Les Toscans se sont battus pour la cause de l’indépendance, ils font en ce moment encore de nouveaux envois de troupes ; mais ils ne veulent point changer de prince, ni être incorporés au Piémont. Il n’y a là aucune contradiction, et leurs prétentions ne sont nullement anti-nationales, quoi qu’en puissent dire les unitaires purs. Ceux-ci sont en petit nombre à Florence ; leur quartier-général est à Livourne, ville de tout temps factieuse et amie des agitations politiques. Un journal nouveau, le Conciliateur, s’est fondé à Florence sous la direction du marquis Gino Capponi, dans la pensée avouée de combattre les tendances albertistes. Le patriotisme bien connu de M. Capponi et l’autorité de son nom sont une garantie suffisante pour qu’on ne soupçonne pas le Conciliateur d’être un organe réactionnaire Le journal répond, au contraire, à un sentiment national très prononcé. Les tentatives des albertistes et des républicains ont éveillé la méfiance dans les esprits. D’un autre côté, la prise de possession par les Piémontais d’un district de la Lunigiana, qui avait été distrait dernièrement de la Toscane pour être réuni au duché de Parme, a soulevé des mécontentement contre ce qu’on a appelé l’insatiable ambition piémontaise. Ordre a été donné aux colonnes qui s’étaient mises en marche pour la Lombardie de ne pas dépasser Bologne, jusqu’à ce que le gouvernement toscan eût reçu des explications satisfaisantes. Avec un peu de prudence, il eût été facile de prévenir des différends qui, si légers qu’ils soient en eux-mêmes, prennent des proportions considérables et peuvent avoir de regrettables résultats au moment où il importerait de resserrer les liens relâchés de l’union italienne.

Mais c’est surtout en Piémont et sur le théâtre même des événemens que s’agitent des rivalités dangereuses et de compromettantes discussions La question de annexion de la Lombardie a été, dans la chambre des députés de Turin, l’occasion de débats orageux, au milieu desquels a succombé le ministère Balbo dans la séance du 25 juin dernier. La déclaration de adhésion des Lombards portait pour condition la convocation d’une assemblée constituante élue par le suffrage universel, laquelle devait discuter et poser les bases d’une nouvelle monarchie constitutionnelle sous le sceptre de la maison de Savoie. Le ministère, voyant dans cette rédaction une forme impérative dont l’adoption pouvait mettre en péril les droits héréditaires et actuels de la couronne piémontaise, l’abattue