Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 23.djvu/323

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

permis d’en douter. Jetons seulement, et sans trop approfondir, pour ne pas trop mettre à nu le secret affligeant de nos faiblesses, les yeux sur cette mer Méditerranée, éternel théâtre de la rivalité des deux peuples.

Que l’Angleterre soit jalouse de l’influence de la France dans la grande mer qui lie entre elles les plus belles contrées de l’Europe et l’Europe elle-même avec l’Orient, cela est tout naturel : la nature ne lui a donné, à elle, ni entrée ni établissement dans cette mer, où soixante lieues de côtes admirables nous assurent une place difficile à disputer. Qu’à défaut de positions naturelles elle veuille s’en attribuer de factices par la conquête ou l’influence diplomatique, cela est encore tout simple, et c’est ce que le récit des faits ou un regard jeté sur une carte prouvent suffisamment. Gibraltar et Malte, conquis l’un et l’autre après deux guerres désastreuses pour nous, sont là comme deux anneaux d’une chaîne que l’Angleterre entend bien ne pas interrompre ; car au bout de cette pointe hardiment poussée en dehors de toutes ses voies d’influences naturelles se trouvent et l’isthme de Suez, clé de toutes ses communications avec ses colonies des Indes, et le grand corps valétudinaire de l’empire ottoman. Il faut donc tenir pour certain qu’aucune alliance avec nous, si étroite et si sincère qu’elle puisse être, n’interrompra la politique constante de l’Angleterre pour nous évincer de la Méditerranée et s’y substituer à notre place. Le gouvernement anglais n’y songerait pas, que ses agens, suivant les erremens d’une tradition séculaire, le feraient encore par instinct et par habitude, Résister à cette politique, sans violence, mais sans faiblesse, sans rompre l’alliance, mais sans se laisser enchaîner par elle, c’est le travail de l’alliance anglaise.

Quoi qu’on ait pu dire, à cet égard, de l’ancien gouvernement, il ne semble pas qu’au moment où il est tombé, il eût négligé, sur aucun des grands théâtres de la Méditerranée, cette importante partie de sa tâche. Je ne parle pas des deux cents lieues de côtes conquises par ses efforts sur le continent africain, et de ces possessions algériennes étendues peut-être au-delà des bornes de la prudence, à coup sur au-delà des prévisions de toute l’Europe ; mais, sur deux des grandes péninsules que le continent européen étend dans la Méditerranée, la Grèce et l’Espagne, l’avantage, long-temps disputé entre les agens anglais et les nôtres, nous restait sans contestation, et non pas sans quelque gloire. Et si l’on peut reprocher quelque chose au dernier gouvernement, c’est d’avoir peut-être, sur ces deux théâtres, poussé la lutte d’influence avec un excès d’insistance et d’acharnement ; mais enfin ni à Athènes, ni à Madrid, l’influence française n’avait reculé ni succombé, et elle n’était menacée que par l’excès même de sa victoire. Ce n’est pas là, à coup