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n’entends pas dire que dans tout cela la France prenne le moindre intérêt. Inévitable, mais, il en faut convenir, étrange résultat de l’arrivée au pouvoir d’un parti qui n’avait cessé, pendant tant d’années, de s’indigner de l’abandon où l’inaction prétendue du gouvernement français laissait les puissances maritimes secondaires vis-à-vis des exigences et des envahissement de l’Angleterre !

Quand la France a ainsi fait le vide sur deux des grandes péninsules de la Méditerranée, est-il étonnant que nous jetions un regard d’inquiétude sur la troisième, sur cette Italie que nous n’avons encore considérée que comme une des puissances qui bordent nos frontières territoriales, mais dont l’existence maritime a été autrefois si brillante, et, sous le souffle de la liberté, peut d’un jour à l’autre le redevenir ? Là, du moins, jusqu’à l’an dernier, l’influence anglaise n’était jamais parvenue. La religion, à elle seule, l’excluait, pour ainsi dire, tacitement de la terre habitée par le chef de la religion catholique. Elle y parut pour la première fois l’automne dernier, afin d’y exploiter le mécontentement des libéraux italiens contre la politique trop lente, au gré de leur impatience, du gouvernement français. Les événemens ont marché si vite dès-lors, que nous ne savons, et probablement elle ne sait guère elle-même, ce qu’elle pense de la grande lutte dont l’Italie est en ce moment le théâtre. Elle attend l’issue du combat pour se prononcer, peut-être pour se porter médiatrice, et c’est, nous persistons à le penser, la seule conduite digne d’un gouvernement qui ne veut pas intervenir directement et pour son compte. En attendant, quand on se rappelle l’intimité qui existait encore, il n’y a pas long-temps, entre le cabinet de Turin et l’Angleterre, quand on sait (ce que tous ceux qui ont voyagé en Orient pourraient attester) combien les consuls sardes et anglais faisaient depuis long-temps cause commune dans les ports de la Méditerranée, pour lutter contre l’influence que les traités reconnaissent aux consuls français, se prêtant mutuellement, les uns la force morale de leur qualité de catholique, les autres la force matérielle de leurs escadres, il est permis de se demander ce que deviendrait dans l’équilibre maritime de l’Europe, et quel rôle jouerait un jour dans la crise toujours attendue de l’empire ottoman, un grand royaume maître des plus grandes cités de la Méditerranée, tout puissant à Rome, et, par Rome, sur les missions du Levant, et parlant cette langue italienne qui est seule comprise en Orient ! N’insistons pas, ce sont là des points de vue trop éloignés, dont il ne serait pas juste de demander à une politique mobile comme la nôtre de tenir compte.

Mais il existe, dès à présent, au midi de l’Italie, une grande île, aussi favorisée par la nature que maltraitée par les hommes, dont le sol est plein encore de richesses naturelles, dont la population, à peine civilisée,