fluence, non pas une agrégation matérielle de territoires, mais un protectorat spirituel et temporel. De ce côté-là, on marche au but avec bien plus de confiance que dans le midi même ; on est servi par des instincts populaires qui concourent, sans le savoir, à l’accomplissement de l’œuvre politique. Les hommes de sang slave, condamnés par l’orgueil allemand à une infériorité qu’ils ont à peine secouée, se vengent en s’inspirant des théories historiques de dominateurs qui furent aussi leurs pédagogues. Préoccupés à la fois de leurs rancunes nationales et des théories de leur éducation universitaire, ils se perdent dans l’infini des ambitions de race, et ne se retrouvent qu’en renouant leur avenir à celui du glorieux Rurik, le frère aîné de tous les Slaves. Le cabinet de Saint-Pétersbourg n’a qu’à laisser faire ; il lui en coûte à peine quelques croix et quelques pensions pour les savans naïfs qui s’adonnent aux antiquités slaves. Il y a un petit livre, publié en 1842 par le comte de Thun, aujourd’hui gouverneur de Prague, où l’on trouve l’historique et la bibliographie de cette nouvelle littérature. Il est bien curieux de suivre là-dedans cette singulière infiltration par laquelle, de progrès en progrès, une idée scientifique, aidée de quelques réminiscences plus ou moins effacées, devient à la longue une passion populaire. On sait avec quelle effervescence cette passion slave s’est manifestée depuis la révolution de février. Les tristes événemens qui ont ensanglanté Prague au mois de juin, la guerre des Croates contre les Hongrois, sont des efforts mémorables de ces nationalités ressuscitées, de ces résurrections dans lesquelles il est si difficile de démêler ce qui est artificiel et ce qui ne l’est pas. Nous avons suivi attentivement le congrès slave de Prague : il est évident qu’il n’y avait point là d’inspiration russe qui fût dirigeante ; mais nous nous demandons s’il n’aura point servi contre son gré la prééminence du nom russe. Nous pensons assurément que le ban de Croatie, le vaillant Jellachich, en guerre ouverte avec la Hongrie, ne tient point à Saint-Pétersbourg par les mêmes liens dorés que le vladika de Monténégro ; mais nous déplorons ce triste conflit de nationalités qui oblige les Hongrois, menacés par les Croates, à promettre leurs troupes à l’Autriche pour la guerre d’Italie, parce qu’ils ont besoin de l’Autriche pour résister aux Croates. En fin de compte, c’est encore la cause libérale qui perd dans le monde à ce jeu-là ; n’est-ce pas une raison de croire que les Russes y gagnent ? M. de Nesselrode se défend beaucoup, il est vrai, dans sa récente circulaire, d’avoir où que ce soit contribué en quelque chose à la propagande panslavisme. Il est pourtant étrange que partout depuis quelques mois, du Danube à la Vistule et à la Moldau, il n’ait été question que d’agens russes arrêtés. Il y a des faits d’ailleurs que toutes les notes diplomatiques ne démentent pas ; c’est ainsi que le peuple de Posen attendait une grande démonstration russe pour le jour de la Pentecôte : il fallut que l’autorité affichât dans les rues un avis portant qu’il n’y aurait point ce jour-là cette procession qu’on annonçait avec drapeaux et cocardes moscovites. D’autre part, il n’est pas rare de trouver dans les gazettes officielles de l’empire des articles officiels où l’on dit, comme dans la Gazette d’état du royaume de Pologne du 19 mai, que la Pologne ne doit faire qu’un même tout avec la race slave et l’empire russe ; on annonce même à ce propos que le gouvernement a ordonné de traduire en plusieurs langues le petit ouvrage anonyme où cette doctrine est développée ; le précieux ouvrage établit de plus que la nation russe est la branche principale de toutes celles que comprenait jadis la grande fédération polonaise. La gazette censurée de Varsovie contredit
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