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unanime. La confiance ne se rétablit pas en un jour, surtout quand elle a été soumise à d’aussi cruelles épreuves que celles qu’elle avait subies depuis quatre mois ; mais il n’y a pas de pays où l’on oublie plus vite qu’en France le passé. Chez nous, les leçons de l’expérience servent peu ; notre extrême légèreté d’un côté, d’un autre la bienveillance naturelle à notre caractère, le besoin d’espérer en un avenir meilleur, la curiosité de voir à l’œuvre un nouveau personnage, rendent plus facile que chez toute autre nation la tâche d’un ministre jusqu’alors inconnu, et cela est plus vrai que jamais, quand on souffre beaucoup, que de grands maux sont à réparer, et que la situation est tendue, comme elle l’était le 22 juin.

Je ne sais s’il en a beaucoup coûté à M. Goudchaux de renier l’œuvre de son prédécesseur et de se rallier aux vues du comité des finances, ainsi qu’il l’a fait pendant les premières semaines de son administration. Au moins a-t-il usé d’un ménagement extrême chaque fois qu’il a eu à s’exprimer sur les actes des deux ministres auxquels il a succédé. On aurait voulu qu’il reniât avec plus de franchise, avec plus de vigueur, des doctrines qui ruinaient le crédit public ; on se contenta de ses premiers décrets, qui furent accueillis avec grande faveur. Sans vouloir attacher trop d’importance à un signe qu’on considère généralement comme un symptôme de la confiance publique, remarquons à ce moment une hausse très forte dans les fonds publics, qui, du 21 juin au 7 juillet, montèrent, le 5 pour 100 de 68 à 80, le 3 pour 100 de 45 à 51 ; et cette hausse était d’autant plus significative, qu’elle se manifestait à la veille d’émissions considérables de rentes nouvelles, puisqu’on prévoyait la conversion prochaine en fonds publics des livrets des caisses d’épargne et des bons du trésor ; on sentait aussi que le raffermissement du crédit de l’état aurait pour conséquence immédiate un nouvel emprunt. Malgré ces considérations qui, en toute autre circonstance, eussent amené de la baisse sur le cours de nos fonds, tel fut le retour à la confiance dans la politique générale du nouveau pouvoir exécutif, comme dans l’administration particulière des finances, qu’une hausse sans précédent sur les rentes accueillit les premières mesures de M. Goudchaux. Ajoutons que le bon accord qui parut exister alors entre le ministre et le comité, qui jouissait d’une juste popularité dans le monde financier, contribua beaucoup à ce réveil remarquable du crédit public.

Nommé ministre le 28 juin, M. Goudchaux, dès le 3 juillet, lisait à l’assemblée son exposé de la situation financière, et présentait plusieurs projets de lois importans destinés à réparer les injustices du passé et à compléter son système. On se souvient que le plan de M. Duclerc, qui prétendait mettre 580 millions de ressources extraordinaires à la disposition du trésor, et dont le comité des finances avait fait justice par