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rayons lumineux. Quelle est cette force ? comment peut-elle avoir prise sur cet agent impalpable que nous appelons lumière ? C’est ce que nous ignorons. Ici comme dans toutes les questions qui touchent de près à l’essence même des choses, la science humaine est jusqu’à ce jour impuissante, et le sera sans doute encore bien long-temps.

Ces propriétés remarquables développées dans les substances minérales par suite de la cristallisation n’ont, dira-t-on peut-être, d’intérêt réel que pour les savans de profession. On se tromperait en cela. Pour n’en citer qu’un exemple, nous rappellerons que des instrumens polarisateurs peuvent servir à reconnaître d’emblée la nature du sucre dont un sirop est chargé, et par suite à épargner de longues opérations destinées à reconnaître certaines fraudes. D’ailleurs, c’est à la cristallisation seule que quelques substances des plus viles et des plus communes doivent d’autres propriétés qui les ont fait rechercher de tout temps avec avidité. Nous avons rappelé plus haut que le diamant n’est que du carbone cristallisé ; nous ajouterons que les pierres précieuses ne sont autre chose que des terres cristallisées ou dans un état voisin de la cristallisation, colorées par un peu d’oxide de fer, de chrome, de cuivre, de nickel ou de magnésie.

L’opale, l’améthyste, le sinople, l’œil-de-chat, l’aventurine, le cristal de roche, l’agate, sont formés presque uniquement de silice, c’est-à-dire de la même substance que les pierres à fusil et les meules de moulin de La Ferté-sous-Jouarre. V alumine, cette terre si commune qui fait la base des argiles, transformée par la cristallisation, donne naissance au saphir oriental rose ou bleu, à l’améthyste orientale, à la topaze orientale, au rubis oriental. La silice et l’alumine, combinées ensemble, se changent en émeraude, en béryl, en algue marine, en grenat. On le voit, ces gemmes brillantes, que leur prix exorbitant réserve à la plus haute opulence, ont dans la nature de bien humbles parens. Le diamant et le rubis sont au moins cousins germains du charbon et de l’argile.

On nous saura gré sans doute de suivre M. Dufrenoy dans les détails qu’il donne sur la nature des principales pierres précieuses, en y joignant quelques renseignemens historiques. Le diamant était connu des anciens, qui le regardaient comme inattaquable par le feu et lui attribuaient des vertus merveilleuses. Pline en a donné une description qui, sans présenter la rigueur cristallographique possible seulement de nos jours, ne permet pas de le méconnaître. Cette pierre précieuse était, selon Heeren, un des articles de commerce que les Carthaginois échangeaient avec les Étrusques. Toutefois les anciens ignoraient l’art de la tailler, et en conséquence recherchaient surtout ceux qui présentaient naturellement une forme pyramidale. On les appelait pointes naïves. Les quatre diamans qui ornaient l’agrafe du manteau royal de saint Louis étaient des pointes naïves à quatre faces. Louis de Berquem, bourgeois de Bruges, découvrit en 1476 les moyens de tailler et de polir les diamans en les frottant l’un contre l’autre et en employant leur propre poussière, connue aujourd’hui sous le nom d’égrisée. Le premier diamant taillé par ce procédé faisait partie du trésor de Charles-le-Téméraire, qui le fit monter au milieu de trois rubis balais, et le portait au cou. Ce bijou, perdu à la bataille de Granson,