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également la polariser par réflexion. Il suffit pour cela défaire tomber sur une surface réfléchissante un rayon lumineux faisant avec cette surface un angle déterminé qu’on désigne sous le nom d’angle de polarisation.

La valeur de cet angle varie selon la nature du corps mis en expérience, et cette propriété peut servir à reconnaître la nature vraie ou fausse d’une pierre précieuse sans recourir à des essais capables d’altérer un bijou de prix. Le diamant, par exemple, polarise la lumière qui tombe sur ses facettes sous un angle de 21 degrés 59 minutes. L’angle de polarisation est de 29 degrés 35 minutes pour le rubis spinelle ; de 33 degrés 2 minutes pour le quartz et ses variétés ; de 35 degrés 25 minutes pour le verre. Tous ces angles se mesurent aujourd’hui avec une grande exactitude à l’aide d’instrumens spéciaux, et leur différence est assez sensible pour qu’un simple coup d’œil jeté sur un des beaux instrumens construits par M. Soleil, ou sur un simple goniomètre de Wollaston, ne puisse laisser aucun doute à l’observateur quelque peu exercé.

Les phénomènes extrêmement variés et curieux résultant de la polarisation de la lumière ont été étudiés par un grand nombre de physiciens. Parmi eux, nous citerons entre autres, en France, Malus, qui les découvrit en 1840 ; Fresnel, que ses recherches ont conduit aux théories les plus délicates sur l’essence de l’agent lumineux lui-même ; M. Biot, M. Arago, qui, non contens d’approfondir la nature de ces phénomènes, en ont fait d’admirables applications. À l’étranger, Brewster en Angleterre, Misterlich en Allemagne, et tant d’autres encore, ont marché dans la direction imprimée par nos compatriotes, et de ces efforts réunis il résulte que l’étude de la polarisation est peut-être de toutes les branches de la physique celle dont les progrès ont été le plus rapides depuis le commencement du XIXe siècle.

Un grand nombre de cristaux possèdent une propriété fort singulière, et qui se rattache d’ailleurs aux phénomènes dont nous venons de parler. Ces cristaux partagent toujours en deux les faisceaux de lumière qui les traversent, de telle sorte que tout objet regardé à travers ces cristaux paraît double. Les physiciens ont désigné ce phénomène par le nom de double réfraction. On l’observe surtout très bien à l’aide de la variété de chaux carbonatée appelée spath d’Islande, dont les cristaux rhomboédriques présentent souvent un volume assez considérable pour se prêter sans peine à toutes les expériences.

Des deux images aperçues à travers un cristal de spath d’Islande, l’une se trouve au point où on la verrait en se servant d’un morceau de verre : on la désigne par l’expression d’image ordinaire ; l’autre est plus ou moins écartée de la première : on l’appelle image extraordinaire. Ces deux images, parfaitement distinctes l’une de l’autre, peuvent se rapprocher de plus en plus, puis enfin se superposer et se confondre, lorsqu’on fait prendre au cristal certaines positions. Dans ce cas, on reconnaît que l’image ordinaire demeure stationnaire et que l’image extraordinaire seule change de place. De plus, si l’on regarde l’objet mis en expérience suivant l’axe du cristal, on n’aperçoit jamais qu’une seule image. Il résulte de ces observations que la cristallisation, c’est-à-dire un simple arrangement des molécules, développe dans ces cristaux une force particulière qui semble émaner de l’axe et qui repousse une partie des