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en échec, ou en donnant à la société des instrumens nouveaux et réguliers pour le dompter, ou en accordant les deux parties par quelque accommodement, ou en assurant à l’une des deux un avantage marqué, soutenu, une supériorité à la fois légale et réelle qui le dispense d’épuiser l’arsenal des moyens de force, de jouer à tout instant le tout pour le tout, de tendre pour ainsi dire tous les muscles du corps social. Ou il faut qu’elle fasse un traité de paix entre les deux côtés des barricades de juin, ou il faut qu’elle substitue à une répression cent fois juste, cent fois nécessaire, mais brusque et saccadée, une répression continue, régulière, opérant sans bruit, mais sans relâche, qui comprime le mal au lieu de le laisser éclater pour l’écraser dans son sang.

Je n’ai pas, je suppose, à discuter la première de ces hypothèses. Ce n’est pas moi, c’est le général des journées de juin qui a proclamé dans le feu du combat, et pendant qu’il ne s’agissait de rien moins même que de faire sauter un faubourg de Paris, qu’il n’y avait pas de transaction, pas même de discussion possible entre la propriété et le pillage, entre l’immense majorité de la France défendant son bien et une minorité infime, mais furieuse, voulant emporter d’assaut le bien d’autrui. Non sans doute qu’il ait voulu dire alors que tous ceux qui s’abritaient derrière les barricades étaient également coupables et encore moins également indignes de pardon ; mais, essayer des moyens de persuasion pour dissiper les erreurs, user de pitié pour le repentir, tenir compte de l’égarement, venir en aide à la misère qui l’excuse, rien de tout cela ne ressemble à une transaction sur des principes en discussion ou sur des droits en litige. Comme la question est posée aujourd’hui, pour transiger, il faudrait avoir des pleins pouvoirs de la Providence, et nous avons vu assez amplement que ceux qui se portaient forts en son nom pour changer les conditions qu’elle a imposées aux hommes n’avaient pas reçu d’elle le don des miracles. Ce sont les promesses chimériques, ce sont les concessions imprudentes qui ont enfanté, choyé, caressé l’émeute de juin. C’est le tremblement du sol qui donne le vertige ; il faut assurer les colonnes vacillantes de l’édifice, si l’on veut qu’à leur tour les cerveaux se raffermissent.

Ne pouvant attendre de la constitution une transaction pacifique, c’est donc quelque appui pour la répression qu’il faut lui demander. Je n’ignore pas qu’il est triste, six mois après une révolution, de n’avoir déjà plus que la répression sur les lèvres. On aimerait mieux pouvoir énumérer avec orgueil les droits nouveaux et les libertés précieuses que la constitution apporterait à la France en échange des souffrances révolutionnaires. Ce n’est ni notre faute ni celle des auteurs de la constitution s’il n’en peut malheureusement être ainsi. Ils ont fait de leur mieux pour trouver dans la société que la monarchie leur léguait quelques privilèges à détruire, quelques chaînes à briser.