est vulgaire, ni l’animation, ni la force qui font du Départ du roi un des plus beaux ouvrages modernes, et celui qui, dans l’œuvre de Gros, rappelle le plus ses anciens ouvrages.
La scène présente un immense effet de nuit : première difficulté dans un tableau de grande dimension. La figure de Louis XVIII, qui offrait de bien autres difficultés encore, est étonnante de convenance, de vie, d’expression et de noblesse. Des serviteurs, portant des flambeaux, le précèdent ; des gardes nationaux, des militaires l’entourent et lui témoignent avec effusion leur douleur. La confusion qui règne dans les groupes est une beauté de plus et ne nuit pas à l’intelligence de l’action. Ce qu’il faut le plus admirer, c’est que le peintre ait su tirer ce parti d’un sujet en apparence aussi ingrat.
Il est important de signaler à cette époque de la vie de Gros (1816, 1817) une circonstance qui eut sans doute une grande influence sur la marche de son talent pendant les dernières années de sa vie. David, du fond de son exil, l’avait chargé de continuer la direction de son école. Gros s’acquitta de ce devoir comme s’il eût dû sacrifier à cette fonction même sa qualité de peintre pour prendre celle du professeur le plus assidu. L’attachement qu’il conservait pour son maître se mêlant à une admiration sans bornes de ses ouvrages, il mit une sorte d’amour-propre à continuer dans ses leçons toutes les traditions de David. Il semblait même qu’il voulût faire oublier à ses élèves combien sa propre manière avait différé de celle de son maître. « Mon métier, disait-il quelquefois, est de former des artistes et de les envoyer en Italie aux frais du gouvernement. » David ne l’encourageait que trop dans cette tendance. Assuré qu’il était que ses principes revivraient dans l’enseignement de Gros, il désira que Gros lui-même en fît l’application dans ses ouvrages. Il lui écrivait : « Êtes-vous toujours dans l’intention de faire un grand tableau d’histoire ? Je pense que oui. Vous aimez trop votre art pour vous en tenir à des sujets futiles, à des tableaux de circonstance : la postérité, mon ami, est plus sévère ; elle exigera de Gros de beaux tableaux d’histoire. Quoi ! dira-t-elle, qui devait plus que lui représenter Thémistocle ? etc… » Suit une longue énumération de sujets empruntés à l’histoire ancienne. « Tous ces sujets, dit-il, vous réclament. L’immortalité compte vos années, n’attirez pas ses reproches ; saisissez vos pinceaux, produisez du grand pour vous mettre à votre place. » Il lui dit ailleurs : « Le temps s’avance, et nous vieillissons, et vous n’avez pas encore fait ce qu’on appelle un vrai tableau d’histoire. Quand vous avez le talent et l’âge encore, vous convient-il d’attendre toujours ? Vite, vite, mon ami, feuilletez votre Plutarque, etc. » Dans une autre lettre encore, et entre autres conseils, il lui dit : « Je suis content qu’on vous tire des habits brodés, des bottes, etc. ; vous vous êtes fait assez voir dans ces sortes de tableaux où personne ne vous