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Eh bien ! c’est avec cette témérité et cette sérénité proverbiale que lord John Russell réveilla de gaieté de cœur le volcan qui dormait dans l’église. L’évêché de Hereford vint à vaquer, et le premier ministre whig n’eut rien de plus pressé que d’y nommer le docteur Hampden. Le scandale fut plus grand encore qu’il ne l’avait été en 1836. Cette fois, l’agression allait plus loin, car le premier ministre introduisait l’ennemi dans le cœur de la place, dans le corps même d’où découlaient l’ordination et la tradition apostolique. L’église et l’Angleterre entière s’émurent ; les évêques s’assemblèrent, et treize d’entre eux adressèrent à lord Russell une représentation ainsi conçue :

« Milord, nous, les évêques soussignés de l’église d’Angleterre, croyons de notre devoir de représenter à votre seigneurie, comme chef du gouvernement de sa majesté, l’appréhension et l’alarme qui ont été excitées dans l’esprit du clergé par le bruit de la nomination au siège de Hereford du docteur Hampden, dans l’orthodoxie duquel l’université d’Oxford a exprimé, par un décret solennel, son manque de confiance. Nous sommes persuadés que votre seigneurie ne sait pas quel sentiment profond et général règne à ce sujet ; et nous croyons ne faire que remplir notre devoir obligé envers la couronne et l’église en exprimant respectueusement, mais instamment, à votre seigneurie, notre conviction que, si cette nomination est accomplie, il y aura le plus grand danger et de rompre la paix de l’église, et de troubler cette confiance qu’il est si désirable de voir le clergé et les laïques de l’église porter à l’exercice de la suprématie royale, surtout en ce qui touche ce très délicat et important objet, la nomination aux sièges vacans. »

À cette lettre, signée par treize évêques, lord John Russell répondit : « Je ferai observer que vos seigneuries n’expriment en leur nom aucun manque de confiance dans l’orthodoxie du docteur Hampden. Vous me référez à un décret de l’université d’Oxford, rendu il y a onze ans, et fondé sur des leçons faites il y a quinze ans. Depuis ce décret, le docteur Hampden a exercé les fonctions de professeur de théologie à l’université d’Oxford, et plusieurs évêques, dit-on, ont requis des certificats de présence à ses cours avant d’ordonner des candidats élevés à Oxford. Il a aussi prêché des sermons qui ont été honorés de l’approbation de plusieurs évêques de notre église... Il me paraît donc que, si je retirais la présentation que j’ai faite du docteur Hampden, et qui a été sanctionnée par la reine, ce serait adhérer virtuellement au principe qu’un décret de l’université d’Oxford est un ban d’exclusion perpétuel contre un ecclésiastique de science éminente et de vie irréprochable, et que, de fait, la suprématie dont la loi investit la couronne doit être transférée à une majorité d’une de nos universités. Il ne faut pas oublier non plus que beaucoup des personnes les plus éminentes de cette majorité ont passé depuis à la communion de l’église de Rome.