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et lui apporter l’hommage de ses nouveaux états. Charles-Albert se montra fort calme et peu empressé ; il répondit que c’était aux chambres de Turin à se prononcer définitivement sur l’acceptation de ce surcroît de territoire. Les députés se rendirent donc à Turin, où ils ne furent pas très favorablement accueillis. Le parti de la cour ne voyait pas sans inquiétude l’adjonction d’une province dont la population avait des instincts républicains, des mœurs et des habitudes démocratiques. La clause insérée par les Milanais dans leur acte de fusion, touchant la convocation d’une assemblée constituante à laquelle il appartiendrait de régler les rapports des différentes provinces entre elles, ainsi que ceux du peuple et du pouvoir, fut interprétée par la noblesse piémontaise comme un faux-fuyant et une réserve en faveur de la république. On craignit aussi que la constituante lombarde ne s’ingérât de déplacer le siège du gouvernement. Cette double crainte, habilement exploitée par les ennemis de l’unité italienne, donna lieu à plusieurs séances scandaleuses, et accrédita l’opinion déjà répandue en France au sujet de nos discordes municipales.

Milan pourtant ne s’était que faiblement ému à l’annonce des démonstrations hostiles que la proposition de fusion avait suscitées au sein du parlement de Turin. Les députés milanais accédèrent à un amendement par lequel il était interdit à la future assemblée constituante de mettre en question l’existence de la monarchie constitutionnelle personnifiée par un prince de la maison de Savoie et les privilèges de la ville de Turin en sa qualité de capitale. Cette concession termina le débat. Peu de temps s’écoula entre la fusion (je me sers de l’expression consacrée) de la Lombardie et celle de la Vénétie. Le même cérémonial fut adopté pour celle-ci, et le résultat principal d’événemens aussi graves fut la création d’un ministère dans lequel les différentes provinces, les anciennes comme les nouvelles, avaient leurs représentans. — MM. Casati et Collegno représentaient la Lombardie, M. Pareto Gênes, M. Gioja Parme, M. Paleocopo Venise. — Cette dernière ville s’était réunie au Piémont pour en obtenir des troupes. Elle reçut deux ou trois mille Piémontais et un secours pécuniaire de 800,000 fr. Milan s’était donné au Piémont dans l’espoir d’être délivré sans retard de son gouvernement provisoire. Pendant long-temps encore, son espoir fut déçu. L’autorité demeura à ceux qui en avaient fait jusque-là un si déplorable usage. Les sacrifices dont on avait menacé le pays, dans le cas d’une résistance aux demandes du Piémont, lui furent imposés aussitôt après la fusion, et l’armement ne marcha pas plus vite.

Les actes qui précédèrent la dissolution du gouvernement provisoire montrèrent, il est vrai, que ce gouvernement lui-même avait le sentiment de son impuissance. Quant à la population milanaise, peut-on sérieusement la rendre responsable des désastres qui se succédèrent si