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rapidement ? Est-il bien vrai que le gouvernement n’eût en face de lui que des partis irréconciliables ? C’est ce qu’il faut, avant tout, examiner.

Ce n’étaient pas ses opinions que l’on reprochait au gouvernement provisoire. Ce qu’on lui reprochait surtout, nous le répétons, c’étaient ses lenteurs inexplicables et les tendances autrichiennes de sa police. Il n’y avait pas, à proprement parler, deux partis à Milan. Les républicains avaient mis leur république en quarantaine, et se contentaient de soutenir la supériorité théorique de cette forme de gouvernement dans le journal de M. Mazzini, sans songer à la mettre en pratique dans le moment actuel. La garde nationale, qui représentait la classe moyenne, s’était constituée en assemblée délibérante, et envoyait une ou deux fois par semaine des députés au gouvernement pour lui adresser des remontrances et des conseils[1]. A côté des républicains qui ajournaient de bonne grace la mise en pratique de leurs théories, à côté de la classe moyenne qui s’efforçait d’arracher le gouvernement à son apathie dangereuse, l’attitude du peuple faisait honneur à son bon sens, à sa modération. Le peuple sentait à merveille le tort que le gouvernement faisait à sa cause. S’il supportait avec patience une domination si funeste au pays, c’est qu’il tenait surtout à ne point mériter le reproche de se plaire aux désordres civils, pendant que l’ennemi était à ses portes. Il n’ignorait pas qu’il faudrait substituer au gouvernement du 22, mars un gouvernement nouveau, qu’il faudrait composer celui-ci d’hommes plus ardens, plus énergiques, et qu’on ne trouverait de pareils hommes que dans les rangs du parti républicain. Or, le peuple se disait : Si nous renversons nos gouvernans pour leur substituer les partisans de la république, que dira-t-on de nous ? Que nous avons fait un mouvement républicain, anticonstitutionnel, antipiémontais ; la discorde se mettra entre l’armée piémontaise et le peuple lombard, entre les républicains et les constitutionnels, et notre désunion fera la joie de l’Autriche. Souffrons tout plutôt que de fournir le plus léger prétexte à nos ennemis. Forçons le gouvernement à marcher, mais ne le renversons pas, et attendons qu’il soit naturellement absorbé par le gouvernement piémontais. Le peuple comme la classe moyenne, se bornait donc à de simples démonstrations, auxquelles les dépositaires du pouvoir ne répondaient que par des promesses.

Toutefois le gouvernement lui-même, nous l’avons dit, avait fini par sentir sa faiblesse et par agir en conséquence. Pressé et harcelé par les dénonciations journalières de la presse et de la voix publique, le ministre

  1. Ce fut sur les instances d’une de ces députations que le gouvernement lombard chargea M. Guerrieri d’invoquer à Paris l’intervention des armes françaises, et qu’il mobilisa une partie de la garde nationale de Milan pour l’envoyer au secours de la Vénétie.