Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 24.djvu/28

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ceux de leurs ministres, il était évident que les changemens dont certains états européens placés sous leur influence étaient menacés n’avaient de chance de réussite définitive qu’autant qu’ils seraient, comme la révolution belge en 1830, assurés de rencontrer, une fois accomplis, l’adhésion et au besoin la protection de la France. Quelle force n’auraient point, au contraire, ces gouvernemens aux prises avec leurs populations, si, préservés d’un semblable péril, ils pouvaient compter sur l’appui des trois cours absolutistes ! Cette conviction inspira les termes d’une déclaration qu’on convint d’adresser au gouvernement français. Il avait d’abord été question d’en rendre la rédaction identique, afin de mieux constater le parfait accord des trois cours. Le vieux roi de Prusse, animé, dès cette époque, à notre égard des sentimens bienveillans que sa participation au mariage du duc d’Orléans fit plus tard mieux connaître, obtint, si je ne me trompe, à grand’peine, que chaque cabinet rédigerait séparément une note qui serait remise par son ambassadeur à Paris, et qui renfermerait seulement à la fin, en termes exactement semblables, les déclarations convenues. Tous ces pourparlers avaient amené de longs retards ; l’hiver approchait, et le ministre des affaires étrangères du cabinet du 11 octobre ne songeait déjà plus guère au congrès de Munchen-Graetz, quand les ambassadeurs des trois cours se présentèrent successivement dans son cabinet et lui remirent les communications officielles de leurs gouvernemens. La circulaire suivante, écrite sur-le-champ par M. de Broglie à nos agens du dehors, fera connaître l’esprit de ces communications, l’attitude prise en cette circonstance par les divers ambassadeurs étrangers chargés de les notifier, et les réponses du gouvernement français.

Le ministre des affaires étrangères à M. N…
« Paris, 6 novembre 1833.

« M. N…, le chargé d’affaires d’Autriche, m’a donné lecture, il y a peu de jours, d’une dépêche que M. de Metternich lui a adressée à la suite et en conséquence des conférences de Bohême. Le chancelier d’Autriche, après y avoir longuement développé l’opinion que la propagande révolutionnaire est un fléau européen que tous les gouvernemens doivent repousser par des efforts communs et combinés, établit que si la France, qui a si bien su se défendre elle-même des tentatives des perturbateurs, ne réussissait pas désormais à déjouer également les machinations auxquelles ils se livrent, sur son territoire, contre les états étrangers, il pourrait en résulter pour quelques-uns de ces états des troubles intérieurs qui les mettraient dans l’obligation de réclamer l’appui de leurs alliés ; que cet appui ne leur serait pas refusé, et que toute tentative pour s’y opposer serait envisagée, par les trois cabinets de Vienne, de Saint-Pétersbourg et de Berlin, comme une hostilité dirigée contre chacun d’eux.