Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 24.djvu/305

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

les systèmes. Je laisse de côté cette dernière partie de l’ouvrage déjà jugée sans appel par des juges plus autorisés, soit dans cette Revue même, soit à la tribune de l’assemblée nationale. C’est la philosophie de M. Proudhon, c’est sa métaphysique, sa théodicée et sa psychologie que je veux connaître.

Avant de philosopher, M. Proudhon s’est créé sa méthode ; pour labourer à sa façon, il s’est forgé une machine particulière ; c’est par là qu’il faut commencer avec lui. Le syllogisme, dit-il d’après Bacon, pose un principe et en tire les conséquences sans y rien ajouter. Ce n’est donc pas le véritable instrument scientifique, ce n’est pas le télescope qui découvre des horizons nouveaux. M. Proudhon va plus loin que le philosophe anglais ; il ne se contente pas de signaler la stérilité du raisonnement déductif, il l’accuse de ne pas démontrer son point de départ, de s’appuyer sur un à priori incertain, en sorte que non-seulement le syllogisme ne peut aller au-delà des conséquences renfermées dans le principe, mais principe et conséquence, conclusion et prémisses, tout cela est également arbitraire. « Aristote, ajoute-t-il, qui traça les règles du syllogisme, ne fut pas dupe de cet instrument, dont il signala les défauts, comme il en avait analysé le mécanisme. » Le second instrument de la dialectique est l’induction, qui va du particulier au général, comme le syllogisme va du général au particulier. Bacon, selon l’auteur, crut faire une grande découverte, et ne s’aperçut pas que ce qu’il recommandait si vivement n’était en résumé que le syllogisme à rebours. On allait d’orient en occident, dit M. Proudhon ; il alla d’occident en orient ; c’était toujours le même voyage, et l’induction, excellente, comme le syllogisme, pour démontrer la vérité déjà connue, est, comme lui, sans force pour la découverte. « Le syllogisme donnant tout à l’à priori, l’induction tout à l’empirisme, la connaissance oscille entre deux néans. » Pour sauver l’esprit humain qui s’enrichit inutilement chaque jour d’observations sans nombre, et qui, impuissant à les coordonner en un système scientifique, meurt accablé sous son trésor, il faut « un nouvel instrument qui, réunissant les propriétés du syllogisme et de l’induction, partant à la fois du particulier et du général, menant de front la raison et l’expérience, imitant, en un mot, le dualisme qui constitue l’univers, et qui fait sortir toute existence du néant, conduirait toujours infailliblement à une vérité positive. » Cet instrument, nous le devons à Kant, et on le nomme l’antinomie. L’antinomie, en affirmant une idée, affirme immédiatement son contraire : ainsi l’infini et le fini, le nécessaire et le contingent, l’unité et la pluralité, etc. Mais l’antinomie, par cela même qu’elle fournit à l’esprit les oppositions sans nombre qui constituent l’univers tout entier, n’est pas la fin de la science ; elle n’en est que le commencement obligé, la condition indispensable. Il faut concilier ces contraires, trouver le terme