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au besoin, et qui ensuite, impuissante à rétablir l’harmonie, abandonne le misérable praticien, le faux philosophe, le faux savant, au milieu d’un épouvantable désordre. Si M. Proudhon sait résister aux séductions de cette originalité menteuse, il épargnera de grands scandales à la conscience publique, des déceptions cruelles aux malheureux qui espèrent en lui ; le dirai-je enfin ? une confusion ridicule, une chute honteuse et sans espoir à une intelligence qui peut se relever encore avec honneur.


IV

Nous avons vu M. Charles Grün et M. Proudhon, les deux interprètes les plus distingués des partis extrêmes en Allemagne et en France, nous prouver, pièces en mains, l’incurable indigence de tous les systèmes socialistes. Nous avons vu le plus hardi de nos réformateurs, M. Proudhon, enseigner avec force certaines vérités essentielles qui ruinent non-seulement les extravagances d’aujourd’hui, mais toutes celles qui peuvent fermenter à l’avenir dans les cerveaux malsains. Il se refuse, par exemple ; à diviniser nos passions, et, nous ordonnant de les dompter, il fait luire au-dessus de nous la loi sublime du devoir. Il se demande à quel degré d’abaissement moral nous sommes parvenus, pour que la critique se croie obligée de remuer tout le fumier des socialistes sensuels. Nous l’avons vu aussi défendre avec enthousiasme un autre grand principe qui n’est pas moins contraire que le sentiment du devoir à toutes les utopies de nos jours, le principe de la liberté de l’individu, de cette liberté sans laquelle le monde est un enfer, et qui fait tout le prix de l’existence. Partout ailleurs, quand il veut porter secours au socialisme en détresse, la vérité l’abandonne, et ses écrits ne sont plus qu’un long et orageux délire. Ce simple résumé des faits ne parle-t-il pas assez haut ?

Le sentiment du devoir, le sentiment de la liberté, nous ne demandons que cela, et le socialisme est vaincu. Avec le devoir, nous retrouvons la morale et ses conséquences fécondes, nous retrouvons la sainteté de la famille, l’amour de nos semblables, le respect de la propriété ; surtout, nous retrouvons ce Dieu éternel, infiniment puissant et infiniment bon, devant lequel M. Proudhon et les hégéliens sont comme s’ils n’étaient pas. Avec la liberté, nous opposons un insurmontable obstacle à toutes les entreprises homicides des prétendus organisateurs. De ces deux principes, l’un est l’ame de la civilisation même et nous est légué par l’infaillible travail des siècles ; l’autre, expressément décrété par la France de 89, a complété le trésor du genre humain. L’idée du devoir avait renouvelé l’homme depuis l’enseignement du Christ, mais quelque chose lui manquait encore ; la conscience du