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l’ondée vivifiante qui leur vient du cœur, la chaleur disparaît et fait place au froid de la mort. Bientôt se développe un phénomène dont Haller et Bichat ont nié à tort la constance, la rigidité cadavérique, qui envahit d’abord les muscles du tronc, du cou, puis ceux des membres inférieurs, enfin des membres thoraciques, et dont la durée est d’autant plus grande qu’elle est survenue plus tard. Elle est bien distincte de la raideur causée par un état convulsif des muscles, ou par la congélation ; car, dans le premier cas, en usant de moyens suffisamment énergiques, on parvient à vaincre, du moins pour un moment, la puissance musculaire ; dans le second, la raideur occupe indistinctement tous les tissus, la peau, le tissu cellulaire, etc., dont toutes les cavités sont remplies de petits glaçons qui se brisent pendant qu’on fléchit les membres et font entendre un bruit analogue à celui d’une lame d’étain qu’on plie. L’absence de la contraction des muscles, sous l’influence d’excitans directs, tels que des piqûres, l’application de caustiques, ou, ce qui est bien plus concluant, du fluide galvanique, est le second phénomène inséparable de la mort, auquel il faut ajouter le dernier de tous, la décomposition putride qu’éprouvent tous les corps organiques qu’a abandonnés la vie. Aucun de ces signes ne peut être constaté immédiatement après la mort. La rigidité peut bien s’emparer des muscles avant la disparition de la chaleur, quoi qu’en ait dit Nysten, mais il faut toujours, pour qu’elle se produise, un temps plus ou moins long. Sommer disait qu’il ne l’avait jamais vue survenir dans les cadavres humains moins de dix minutes ni plus de sept heures après la mort. L’insensibilité d’un muscle soumis à l’action d’un courant galvanique est un signe qui ne se produit pas non plus immédiatement après la mort réelle, et le cœur peut avoir déjà cessé ses fonctions, que la fibre charnue conserve encore pendant quelque temps une certaine irritabilité. Enfin la décomposition putride ne s’opère, on le sait, qu’au milieu de certaines conditions ; l’eau et l’air sont aussi nécessaires pour le développement de la putréfaction qu’ils le sont pour le maintien de la vie. Un de nos chimistes célèbres, M. Gay-Lussac, a conservé de la viande fraîche pendant plusieurs mois, en la tenant sous une cloche de verre dont l’atmosphère était desséchée par du chlorure de calcium ; et, suivant Guyton de Morveau, la putréfaction n’est pas possible dans l’hydrogène, l’azote et l’acide carbonique, car c’est à l’oxygène qu’il contient que l’air doit la propriété de favoriser la décomposition des corps. La putréfaction est également ralentie par un abaissement de température, et elle s’arrête même quand le thermomètre est au-dessous du point de la congélation. C’est ainsi que les mammouths ont résisté, depuis des milliers d’années, au milieu des glaces éternelles où on les a trouvés ensevelis.

Si la science ne pouvait indiquer des signes plus certains de la mort, nous concevrions les efforts faits depuis Hufeland pour multiplier les précautions qui doivent présider aux enterremens. Heureusement l’ère des tâtonnemens sur ce triste problème vient d’être close. On a découvert un fait capital qui peut servir à distinguer la mort apparente de la mort réelle : c’est la persistance des battemens du coeur. Les moyens de constater ce fait scientifiquement ne pouvaient échapper long-temps aux recherches de la physiologie moderne, et ils ont été indiqués dans le mémoire de M. Bouchot.

Il n’y a pas long-temps qu’on a appris que l’application de l’oreille, soit immédiate, soit par l’intermédiaire du stéthoscope, sur le contour de la poitrine, permet d’explorer les bruits normaux ou pathologiques qui sont produits dans